Les Soudanais votent depuis lundi, pendant trois jours, pour élire leur président. Mais l’issue du scrutin fait peu de doute : on imagine mal en effet qu’Omar el-Béchir, 71 ans, dont 25 au pouvoir, ne remporte pas ces élections sans suspense, boycottées par une large part de l’opposition et critiquées par la communauté internationale. Décryptage d’une réélection annoncée.
Une opposition muselée. Depuis la prise du pouvoir par le général Béchir, en 1989, c’est la deuxième fois que des élections multipartites sont organisées au Soudan. Mais, comme en 2010, la plupart des partis de l’opposition ont décidé de boycotter l’élection, car ils estiment que le contexte politique ne permet pas un scrutin libre. Contre Omar el-Béchir, 71 ans, on dénombre 15 concurrents, tous aussi peu connus les uns que les autres. Les autorités leur ont octroyé à chacun vingt minutes de temps de passage à la télévision. Un programme refusé par la plupart d’entre eux, rapporte RFI.
En décembre 2014, des formations rebelles, des groupes issus de la société civile et des partis d’opposition ont lancé ensemble l’"Appel du Soudan", pour s’unir face à Omar el-Béchir. Les signataires de cet appel ont de toute façon appelé au boycott du scrutin, malgré la libération, jeudi, de deux opposants.
"Censure des médias". Du côté de la société civile et des médias, la situation n’est guère plus reluisante. "Ces derniers mois ont vu une censure accrue des médias et des journalistes", des cas de "harcèlement et d’intimidation des organisations de la société civile […] et des arrestations et détentions arbitraires des personnes vues comme critiques du Parti national du Congrès (NCP)", le parti d’Omar el-Béchir, note l’African centre for justice and peace studies, une ONG de défense des droits de l’Homme.
Ce puissant NCP, ainsi que ses alliés, contrôlent tous les rouages de l’Etat. Dans le magazine Jeune Afrique, Jérôme Tubiana, spécialiste du Soudan, note qu’Omar el-Béchir a en outre fait valider "une plus grande concentration des pouvoirs", via "des amendements constitutionnels", ainsi qu’un remaniement qui lui a permis d’écarter des rivaux.
La suspension des enquêtes de la CPI. Mais Omar el-Béchir peut aussi compter sur plusieurs facteurs qui renforcent son pouvoir. A commencer par l’annonce, fin décembre, de la suspension des enquêtes de la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes contre l’humanité commis au Darfour, qui le visaient. Mais, souligne la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), le mandat d’arrêt émis contre lui par la CPI court toujours.
Pendant sa campagne, Omar el-Béchir a aussi lourdement insisté sur les foyers de déstabilisation dans la région. Il s’est posé en garant de la stabilité face à "ceux qui veulent faire au Soudant ce qui s’est produit au Yémen, en Syrie et en Libye". Et ce alors même que, selon un opposant au régime, "les morts au Darfour, dans le Sud-Kordofan et dans l’Etat du Nil bleu sont bien plus nombreux que les morts dans les pays du ‘printemps arabe’".
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