Il y avait déjà une vie après la mort sur le Net. Dix ans après la naissance de Facebook, de nombreux utilisateurs sont décédés depuis, mais leur compte existait toujours et faisait office de lieu de mémoire numérique. A l'occasion de la Toussaint, une start-up belge en a fait un business, en créant son propre réseau social : Elysway. Un e-cimetière où les particuliers peuvent créer des profils à leurs proches décédés.
Comment fonctionne le réseau ? Ici, pas de tombe, ni de plaque mémorielle, mais une "page", qui reprend tous les codes de Facebook. Ou plutôt les réadapte. Ici, vous pourrez consulter des profils d'"étoiles" (les défunts), créés par un "ange-étoile", un proche de la personne décédée. L'ange-étoile pourra lui espérer la contribution d'autres "anges", d'autres proches qui entretiendront la page du défunt à coups de vidéo et de messages d'hommages. Pas question de liker, en revanche, il est possible de "compatir". C'est donc un nouvel univers avec ses propres codes qu'ont créé les jeunes Belges à l'origine du projet.
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Est-ce une nouveauté ? Elysway n'innove pas vraiment sur le fond, puisque Facebook propose depuis 2009 de transformer les profils de défunts en comptes de commémoration. La start-up belge n'invente rien non plus au niveau du modèle économique. Comme Facebook, l'inscription est gratuite, et les bénéfices tirés des informations de navigation de chaque utilisateurs revendues aux annonceurs. Elysway est accessible partout en Europe, et déjà traduit en cinq langues.
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Est-ce un gadget numérique ou un vrai besoin ? Elysway suscite les critiques de nombreux internautes, mais pourrait répondre à la baisse observée de la fréquentation des cimetières, liée à une plus grande mobilité et à la hausse du nombre de crémations. La technologie du QR code pourrait contribuer au succès d'Elysway. Le QR code, c'est, ce code-barres que l'on peut scanner avec son smartphone et qui nous renvoie sur une page Internet. Ils ont déjà été installés sur des tombes en France, sans grand succès. Mais ces codes pourraient permettrent pour le visiteur d'un cimetière d'accéder directement au profil Elysway du défunt.
Quels sont les risques potentiels pour les utilisateurs ? Filip Troch, fondateur du réseau, tente de prévenir toute critique sur le site de la RTBF : "Si on crée une page pour la personne qui est décédée, on peut partager le profil du défunt avec la famille ou des connaissances. Mais les personnes extérieures peuvent seulement voir le nom de la personne décédée et cela s'arrête là. Mais si elles veulent accéder à d'autres informations, si elles veulent participer au deuil de la famille et se recueillir en postant un message, elles doivent demander l'autorisation au créateur de la page". Mais comme souvent sur Internet, il n'existe pas de parade absolue aux malveillances. Le piratage d'un compte, les inscriptions sous de fausses identités sont difficiles à contrôler.
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La "mort numérique", un vide juridique. En France, la CNIL a travaillé l'année dernière sur la question de la "mort numérique", qui reste pour l'instant un désert juridique. Le sénateur du Loiret Jean-Pierre Sueur (PS) a d'ailleurs posé une question au ministre de l'Intérieur à ce sujet en mai dernier, craignant que l'absence de législation puisse amener des dérives. Le principal problème actuel, c'est de savoir comment le gestionnaire du réseau social s'assure de la mort d'un des utilisateurs, et de qui peut le prévenir. Lemonde.fr s'est penché sur la question et a constaté que les conditions générales de vente de Twitter n'autorisaient qu'un membre de la famille proche ou à une personne "autorisée à agir dans le cadre de la succession" à demander la fermeture d'un compte. Aucun texte de loi ne contraint les géants du web que sont Twitter ou Facebook.