La situation syrienne semble dans l’impasse. L’ONU a bien adopté une résolution mercredi, mais il s’agit d’un texte non contraignant et à la portée très symbolique, dans lequel les Nations unies condamnent "l’escalade" des attaque de l’armée syrienne et les "violations" des droits de l’homme. La Russie, la Chine et l’Iran se sont opposés au texte. Sur le terrain, l’image des rebelles a été sérieusement écornée par une vidéo montrant un insurgé éviscérant un soldat syrien. Du côté du régime de Bachar al-Assad, les accusations d'utilisation d'armes chimiques se multiplient. Frédéric Encel, professeur de géopolitique, décrypte au micro d’Europe 1les raisons du blocage syrien.
La Russie, alliée militairement à la Syrie. Ce sont "les Russes et, dans une certaine mesure, les Chinois" qui bloquent la situation, explique Frédéric Encel. "La Russie est alliée militairement à la Syrie depuis 1953" et "toutes les élites politiques et militaires syriennes sont formées à Moscou", rappelle cet enseignant de l’ESG Management School. La Russie tient beaucoup à son accès la "zone aéroportuaire de Tartous", au sud du pays, "l’unique endroit en Méditerranée où l’escadre russe peut mouiller". Et pour Moscou et Pékin, "l’affaire libyenne avait tourné au cauchemar", avec la chute de Kadhafi, dont le régime était leur allié.
Un argument pour faire changer d’avis Poutine. Le chef du gouvernement israélien, ainsi que le secrétaire d’État américain John Kerry, se sont rendus en Russie pour tenter de faire plier Vladimir Poutine, sans succès. Pour Frédéric Encel, il y aurait pourtant bien un argument à lui opposer : "échanger l’allié syrien contre un autre". En clair, "proposer à la Russie, sur le plan diplomatique ou militaire, quelque chose de tellement intéressant que Poutine pourrait se passer de l’alliance avec Assad". Une option "évidemment pas possible", compte-tenu de la place de la Syrie dans la région.
> INTERVIEW : "Je n'entends pas l'Europe sur la Syrie"
La crédibilité de la rébellion. Du côté de l’opposition au régime d’Assad, une vidéo d’un insurgé éviscérant un soldat syrien a provoqué un tollé. De quoi brouiller l’image d’une rébellion au "caractère très composite", qui "gêne" les Occidentaux. "On sait qu’une grande partie des rebelles s’inscrivent dans tout ce que la palette de ce que l’islamisme radical compte de gens plus ou moins fanatiques", note Frédéric Encel, tout en soulignant que la rébellion compte "aussi beaucoup de démocrates et de nationalistes bon teint". "C’est la raison pour laquelle nous hésitons, nous autres Occidentaux, à livrer des armes, sans intervenir directement", ajoute-t-il, évoquant le "syndrome malien" qui touche la France. "On s’aperçoit que quand on donne des mains à des opposants […], ces armes parfois, souvent, tombent entre les mains de gens qu’on ne veut absolument pas voir arriver au pouvoir".
"Assad a encore la reine et les deux tours". Une conférence internationale sur la Syrie devrait se tenir en juin. Mais Bachar al-Assad ne devrait pas être présent autour de la table, car il "dispose d’un rapport de force qui, en raison du soutien de Moscou, lui est favorable". "Sur l’échiquier syrien, il a encore la reine et les deux tours, l’aviation et les chars. En face, c’est surtout des pions", compare Frédéric Encel, pour qui Bachar al-Assad sait aussi qu’il peut "mettre le feu à la région" et a notamment "réussi à faire taire les Turcs". C’est pourquoi l’enseignant pense que, "crânement, Assad se tiendra hors de cette conférence internationale".
> A LIRE AUSSI : Attentats en Turquie : qui est responsable ?