Cette décision met sans doute fin à la carrière du célèbre juge espagnol Baltasar Garzon. Le Tribunal suprême de Madrid a condamné jeudi ce magistrat, connu pour son combat en faveur des droits de l’Homme, à onze ans d’interdiction d’exercer. La raison : le tribunal l’a reconnu coupable d’avoir ordonné des écoutes de conversations entre suspects incarcérés et avocats, dans une enquête sur un réseau de corruption touchant la droite espagnole en 2009, une pratique qui viole les droits de la défense.
Le Tribunal suprême de Madrid a assorti la peine de la "perte définitive" du poste occupé par le magistrat à l’Audience nationale, la plus haute instance pénale espagnole, et des "honneurs annexes". Et le juge de 56 ans, suspendu depuis mai 2010, n’est pas au bout de ses peines : il attend encore un autre verdict, dans une affaire le visant cette fois pour son enquête sur les disparus du franquisme.
"Conscience tranquille"
Entre 2006 et 2008, Baltasar Garzon, connu sur la scène internationale pour avoir fait arrêter l’ancien dictateur chilien, Augusto Pinochet, a en effet enquêté sur le sort de plus de 10.000 disparus de la Guerre civile espagnole et du franquisme. Ce qui va à l’encontre de la loi d’amnistie votée par le Parlement espagnol en 1977, deux ans après la fin de la dictature.
L’affaire a été mise en délibéré mercredi. Le juge traqueur de dictateurs, qui a précipité sa chute en enquêtant sur son propre pays, ne sait pas encore quand il sera fixé sur son sort. A l’audience, il a affirmé avoir "la conscience tranquille". "J’ai pris les décisions que je croyais conformes au droit pour enquêter sur les crimes massifs de disparitions de personnes", a-t-il lancé.
Paradoxalement, ce procès, réclamé par deux groupes d’extrême droite, aura permis à ce juge très médiatique d’atteindre une partie de son but, puisque, pour la première fois dans un tribunal espagnol, la voix de proches de victimes du franquisme a pu être entendue.