La religion n’a pas de sexe. En tout cas, pas pour le Dalai Lama. Le leader spirituel des bouddhistes tibétains a confié, lors d’une interview sur une chaîne de télévision britannique, son souhait de voir une femme lui succéder.
"Je pense qu’il serait bon d’avoir une femme comme leader, car, voyez-vous, biologiquement, une femme a plus d’aptitude à développer de l’empathie et à aimer l’Autre", a-t-il confié. "Les femmes sont plus fortes, et puis nous sommes au XXIe siècle, alors les femmes doivent tenir un rôle de plus en plus important dans la promotion de la compassion", a-t-il ajouté.
Déjà en 2011, le Dalai Lama avait exprimé son souhait de se réincarner en femme. Des propos mûrement étudiés, qui s’inscrivent dans une stratégie de communication précise. "Le Dalai Lama est aujourd’hui dans une vraie stratégie politique", estime Eric Rommeluere, auteur du Bouddhisme engagé, interrogé par Europe1.fr. "La question de sa succession est un enjeu majeur pour les Tibétains face aux pressions chinoises", ajoute-t-il.
La pression des Chinois
En effet, Pékin tentera, lorsque le Dalai Lama actuel décèdera et qu’il faudra choisir son successeur, d’imposer celui que les Chinois estiment être sa réincarnation. "Mais les Tibétains feront de même et nous aurons alors deux Dalai Lama potentiels", explique le spécialiste.
Le processus de désignation d’un Dalai Lama est long, il peut prendre plusieurs années. Pendant les quarante-neuf jours qui suivent sa mort, le Dalai Lama "demeure entre deux mondes" avant de reprendre naissance dans un embryon. Il faut donc attendre au minimum dix mois après sa mort pour espérer trouver sa réincarnation... n’importe où dans le monde. Puis certains enfants - potentielles réincarnations - seront sélectionnés et devront passer des tests comme reconnaître des objets qui ont appartenu au Dalai Lama précédent.
L’humour pour contrer Pékin
Mais heureusement, avant de mourir, le Dalai Lama donnera des indications très précises sur la personne en qui il se réincarnera. "Il a déjà dit, par exemple, que cette personne aurait les yeux bleus", rappelle Eric Rommeluere. "Mais il s’agit avant tout d’une stratégie pour brouiller les pistes et empêcher que Pékin ne désigne l’élu", ajoute-t-il.
Face à cet enjeu majeur, le 14e Dalai Lama, aujourd’hui âgé de 75 ans, n’hésite pas à user de l’humour pour faire passer des messages sur celui - ou celle - qui prendra le relais. Et si rien n’empêche, dans les textes, qu’une femme devienne Dalai Lama, il est fort probable que la société tibétaine, qui est patriarcale, choisisse cette option.