Les Etats-Unis, comme la France, se sont alliés à l'Arabie Saoudite ou au Qatar pour contrer l'organisation de l'Etat islamique en Irak et en Syrie. L'Iran poursuit le même but de son côté. Si les relations restent très tendues après la prolongation des discussions sur le nucléaire, notamment entre Paris et Téhéran, les ennemis d’hier se retrouvent pourtant sur des objectifs similaires, notamment pour ce qui est de la lutte contre les djihadistes de l’Etat islamique. Europe 1 fait le point sur la position iranienne avec Clément Therme, chargé d’enseignement sur l’Iran à Sciences Po.*
Peut-on rappeler la position du régime chiite iranien face au djihadisme sunnite de l’Etat islamique ?
Les politiques de l’Iran et de l’Occident sont séparées mais ont un but commun : Téhéran, comme les pays de l'ouest, est opposé au djihadisme de type Al-Qaïda depuis les années 90 et la montée des taliban en Afghanistan. Pour l’instant, le régime iranien lit la crise syrienne à travers le modèle afghan et considère ce conflit comme la lutte d’un Etat contre le djihadisme.
L’Iran a envoyé des forces spéciales à Erbil, en soutien aux peshmergas kurdes. Ni plus, ni moins que la France ou les Etats-Unis, par exemple. Par ailleurs, Téhéran brise l’embargo imposé par l’ONU en livrant des armes à ces combattants irakiens pour les aider à lutter contre l’Etat islamique. Les Occidentaux ferment d’ailleurs les yeux à ce propos.
Le pays souhaite-t-il collaborer avec l’Occident dans la lutte contre l’Etat islamique ?
L’Iran dénonce la coalition internationale, dont le but n’est pas clair : s’agit-il de lutter contre l’Etat islamique ou de lutter contre l’Etat islamique et en profiter pour faire tomber le régime de Bachar Al-Assad ? Damas est un rempart contre le terrorisme pour Téhéran, qui continue à dénoncer l’impérialisme et ce qu’il considère un "projet américain de balkanisation" du Moyen-Orient. Ponctuellement, l’Iran peut coopérer avec les pays de la coalition, mais pas d’une manière globale.
L’Iran n’est-il pas devenu un acteur incontournable dans la stabilité du Moyen-Orient ?
L’urgence de la question du djihadisme en Irak et en Syrie se pose d’autant plus pour l’Iran, que ces deux pays sont voisins et que le phénomène pourrait trouver une résonance auprès des minorités sunnites à l'intérieur des frontières iraniennes. Mais la capacité d’action de Téhéran est bien plus grande du fait de sa proximité géographique. L’Iran apparaît comme une puissance régionale par défaut, car c’est l'un des seuls pays stables de la région, à l’inverse de l’Etat irakien, par exemple, qui ne contrôle pas son territoire. Cela le rend incontournable.
Pour l’instant, il se sent encerclé par l’Occident, que ce soit en Afghanistan et en Irak (où les pays occidentaux sont engagés, ndlr.). Mais on peut espérer qu’en cas d’accord ou de baisse des sanctions internationales, l’Iran devienne une puissance régionale plus responsable.
*Clément Therme a dirigé le numéro 88 de la revue Confluences Méditerranée, intitulé "Iran : une nouvelle donne ?"