Le 6 novembre 2012, les Américains seront convoqués aux urnes pour désigner leur président pour les quatre ans à venir. Côté démocrate, pas grand-chose ne semble s’opposer à une candidature de Barack Obama à sa propre succession. Côté républicain, les primaires vont rendre leur verdict pour désigner l’adversaire du président sortant. Mais les deux vieux partis, rompus aux règles du bipartisme, devront cette fois composer avec une nouvelle donne : l'apparition des Tea Party, tenants de l’ultra-droite, et d’Occupy Wall Street, revendiqué apolitique mais qui semble a priori pencher à gauche. Ces deux mouvements ont en effet marqué des trois premières années du mandat de Barack Obama. Et ils ont mine de rien redessiné en profondeur le visage de la politique américaine.
Les plus précoces et les plus importants de ces mouvements sont bien sûr les Tea Party, qui ont émergé dès février 2009, soit quelques semaines seulement après l’entrée en fonction de Barack Obama. "Il y une partie de l’opinion très à droite, très radicale, qui n’a pas accepté non pas de perdre les élections, mais de les perdre pour ce président-là", explique Nicole Bacharan, spécialiste des Etats-Unis, interrogée par europe1.fr. "Et il y a eu, au départ en tous cas, une vraie composante raciale dans cette affaire. Ça ne se dit jamais. Mais tout ce qui a été dit sur lui, qu’il n’était pas américain, qu’il était musulman, qu’il travaillait pour les puissances étrangères… Tout cela était bourré de sous-entendus visant à dire : ‘il est noir et on n’en veut pas, il n’est pas légitime.'"
"Les Tea Party, c’est le problème des républicains"
Pour anti-Obama qu’ils soient, les Tea Party, ainsi nommé en référence à la Boston Tea Party - considérée comme la première révolte vers l’indépendance, en 1773 - sont pourtant surtout une gêne pour ses adversaires. "Les Tea Party, c’est le problème des républicains. Ce sont des gens qui, de toute manière, ne voteraient pas pour Obama, dans aucun cas de figure", résume Nicolas Bacharan. "Pour les républicains, le danger, ce sera lors des primaires, qui débutent par l’Iowa et le New Hampshire, qui sont de tout petits Etats, plutôt ruraux, presque totalement blanc, et qui côté républicain sont très, très conservateurs", précise l’experte.
"Si le favori Mitt Romney, qui est un républicain traditionnel, plutôt modéré, n’y fait pas de bon scores, il n’y aura pas ce fameux élan. Et si les primaires désignent un homme comme Herman Cain (très proche des Tea Party, ndlr), alors les démocrates n’auront même pas besoin de faire campagne pour gagner", poursuit Nicole Bacharan. Une chose est sûre, les Tea party tenteront d’avoir leur part du gâteau. Notamment en essayant de peser sur le choix du candidat à la vice-présidence. "Il faudra en tous cas quelqu’un qui parle leur langage", prévient l’universitaire.
Occupy Wall Street, caisse de résonance de la colère
Côté démocrates, ce sont les militants d'Occupy Wall Street qu’il faudra séduire. Même si le mouvement, qui a débuté le 17 septembre à New York et essaimé dans plusieurs grandes villes américaines, se dit apolitique, il semble plutôt composé de personnes à la gauche du camp démocrate. "C’est une espèce de caisse de résonance d’une colère de très nombreux Américains contre le système financier, contre le sauvetage des banques. Et ils ne sont pas contents d’Obama, ça c’est sûr,", analyse Nicole Bacharan. "Le défi pour le président sortant, ce sera de refaire voter les gens qu’il avait enthousiasmés en 2008. Et parmi les gens qui composent Occupy Wall Street, il y en a beaucoup qui ne sont plus du tout enthousiasmés. Au final, cela représente potentiellement des millions et des millions de voix." Et l’attitude de Barack Obama à l’égard du mouvement ne trompe pas. "Il a fait très attention à ne pas les traiter par le mépris", assure la spécialiste des Etats-Unis.
Chaque grand parti historique est donc confronté à un problème spécifique, et surtout nouveau. Pour autant, le traditionnel bipartisme américain ne semble pas menacé. "Tout simplement à cause de ce système institutionnel, de ce système d’élection à un tour, uninominal. Cela implique que les électeurs votent immédiatement comme le font les Français au deuxième tour. C’est-à-dire pour le candidat qu’ils détestent le moins, en général, et qui a une vraie chance d’être élu", explique Nicolas Bacharan. "Cela dit, les deux partis historiques ont tendance à intégrer toutes les idées, voire tous les candidats qui sont intéressants de leur côté de l’échiquier." Ce qui donne l’assurance aux Tea Party et à Occupy Wall Street de peser de tout leur poids dans la campagne.