La libération du journaliste Roméo Langlois par la guérilla des Farc s'accompagne d'une polémique en Colombie. Alvaro Uribe, l'ancien président, s'en est pris violemment au journaliste de France 24 sur Twitter. L'ancien chef de l'État, grand artisan de la lutte contre la guérilla, a même accusé le journaliste de France 24 de faire la promotion des Farc.
"Langlois sait mentir"
L'ex-chef d'Etat à la "main de fer" qui a dirigé la Colombie entre 2002 et 2010, notamment pendant la captivité de la franco-colombienne Ingrid Betancourt, a publié sur le réseau social plusieurs messages très critiques à l'égard du journaliste retenu un mois en captivité par la guérilla.
"Que faisait Langlois en Colombie ? Quelle relation entretenait-il avec les Farc ? Nous savons que vous nous trompez", a lancé l'ancien président quelques heures après la libération du reporter français. "Langlois sait mentir. Aujourd’hui, il retrouve une liberté qu’il semble n’avoir jamais perdue", poursuit Alvaro Uribe.
L'ancien président de la Colombie n'hésite pas à interpeller le journaliste de France 24. "Langlois : ne pas confondre la curiosité du journalisme et l'identification avec le terrorisme", attaque-t-il. "Langlois, ne nous trompez plus, 50% des familles colombiennes ont été victimes des terroristes dont vous faites la promotion", insiste-t-il encore.
"Langlois a terminé son camp d’été"
Alvaro Uribe reprend également à son compte des propos très corrosifs d'autres personnalités politiques colombiennes contre Roméo Langlois. "Langlois a terminé son camp d’été avec les Farc. Désormais, il va officier comme porte-parole de l’organisation terroriste", a lâché Miguel Fierro, président d’une fondation anti-Farc.
Les tensions entre Alvaro Uribe et Roméo Langlois ne sont toutefois pas nouvelles. Début mai, l'ancien président colombien avait déjà dénoncé le comportement "grossier" et "agressif" du journaliste de France 24. Alvaro Uribe reproche en effet à Roméo Langlois de lui avoir prêté "des accusations injustifiées" lors d'un entretien. Depuis cette date, l'ancien président se montre particulièrement méfiant à son égard.
"Une relation de confiance avec les Farc"
Roméo Langlois a pourtant lui-même reproché aux Farc de s'être livré à un "jeu politique" avant "toute considération humanitaire" et d'avoir "organisé un show", en le maintenant en captivité. Interrogé par Europe 1, Roméo Langlois préfère "ne pas prêter attention à cette polémique". "Dès qu'un otage est libéré, il y a toujours quelques accusations, c'est normal. La Colombie est un pays extrêmement divisé. Il y a des choses que les journalistes colombiens ne peuvent pas dire parce qu'ils sont menacés de mort et doivent quitter le pays. Donc, c'est les correspondants étrangers qui doivent faire les porte-paroles de leurs confrères. Mais on est très vite accusé d'être pro-guérilla", déplore-t-il.
Etienne Huver, membre du comité de soutien de Roméo Langlois, a de son côté jugé cette polémique stérile. Interrogé par BFM TV, il évoque un journaliste dont "personne ne peut contester l'indépendance", et qui a fait "l'effort d'aller interroger tous les acteurs" dans sa couverture du conflit entre la guérilla des Farc et l'Etat colombien.
Originaire de Toulouse, Roméo Langlois est devenu correspondant en Colombie pour France 24 au début des années 2000. Au moment de sa prise d'otage, il réalisait un reportage sur une opération contre le trafic de drogue dans le département de Caqueta, au sud du pays, aux côtés d'une unité des forces aéronavales colombiennes.
Il a également réalisé deux documentaires remarqués pour Canal +, dont un sur les dessous de la libération d'Ingrid Betancourt et sur l'or de Colombie, "tournant des choses que personne n'avait jamais tournées", selon Stéphane Haumant, patron du service d'investigation de la chaîne cryptée. "Il adore le terrain et il y va souvent. Il avait créé d'innombrables contacts et établi une relation de confiance avec les Farc".