Ferguson : pourquoi le policier qui a tué Michael Brown ne sera pas jugé

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Darren Wilson, le policier qui a tué Michael Brown, un jeune noir américain, ne sera pas poursuivi. Europe 1 décrypte la décision du grand jury.

Des immeubles en feu, des voitures de police pulvérisées par des manifestants, ... La rage a envahi Ferguson aux Etats-Unis après l'annonce de la décision du grand jury, mardi. Darren Wilson, un policier blanc qui a abattu le jeune Michael Brown au mois d'août, ne sera pas jugé. Pour une partie de la communauté noire américaine, qui s'était ému de la mort de l'adolescent, cette décision est un "déni de justice". Europe 1 vous explique ce choix au terme de trois mois de procédure.

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Qui a pris cette décision ? Pour bien comprendre la décision de justice, il faut d’abord s’intéresser au grand jury. Douze citoyens américains ont été choisis pour se plonger dans le dossier de la mort de Michael Brown, tué de six balles au mois d’août dans cette ville du Missouri. Mais, explique l’ancien procureur fédéral Marcellus McRae, "ce n’est pas un procès". Bob Bennett, ancien défenseur de Bill Clinton, parle lui d’une "anti-chambre du tribunal, gérée réellement par le procureur", représentant de l’Etat.

Les jurés devaient décider du type de poursuites judiciaires qui serait intentées contre Darren Wilson. Contrairement à un procès, ils n’avaient à leur disposition que des éléments à charge, donc contre le policier. La soixantaine de témoins venus s'exprimer devant le grand jury était appelée par le procureur, et non par les avocats qui défendent Darren Wilson. Généralement, les jurés n'entendent pas le témoignage de la personne qui risque les poursuites. Mais cette fois, - et c'est "très inhabituel" selon Marcellus McRae -, Wilson lui-même est venu donner sa version des faits. Le procureur s'est éloigné de son rôle d'avocat de la justice, selon Alex Little, ancien procureur fédéral, interviewé par Vox.

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Pourquoi ont-ils blanchi Darren Wilson ? On ne connaît généralement pas les motivations d’un grand jury, expliquait avant la décision Abbe Smith, professeur de droit à l’université de Georgetown. Mais dans l’affaire Michael Brown, le procureur a joué la carte inverse en publiant l’intégralité des 5.000 pages de retranscription des audiences.

Les douze jurés – neuf Blancs et trois Noirs – ont choisi de ne retenir aucun chef d’inculpation : ni assassinat, ni homicide volontaire, ni homicide involontaire, … Ils ont estimé qu’il n’y avait pas de raison suffisante pour que Darren Wilson soit poursuivi en justice.

Ferguson

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Pourtant, a précisé le procureur Robert McCulloch, "il n’y a pas de doute que l’agent Wilson a causé la mort" de Michael Brown, en lui tirant dessus à douze reprises. Au total, six balles ont touché le corps de l'adolescent. Mais pour le grand jury, "il s’agit d’un usage légitime de la force ou d’un cas de légitime défense", a précisé le procureur. Frederick Davis, ancien procureur fédéral à New York, expliquait à Francetv info qu’aux Etats-Unis, "se sentir menacé est suffisant pour avoir recours à la force, quitte à tuer, et cela sans être poursuivi pour ‘homicide involontaire’.

Quelle version des faits a retenu le grand jury ? C’est le nœud de l’affaire Michael Brown. Les témoignages du policier, mais aussi des témoins entre eux, se contredisent toujours sur l’attitude du jeune garçon au moment où Darren Wilson lui a tiré dessus. Selon le procureur, la version retenue par les membres du grand jury est la suivante :

Ferguson Wilson

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Dans sa voiture de patrouille, Darren Wilson repère Michael Brown et son ami, ce 9 août. Lorsque les jeunes garçons passent devant le policier, ce dernier remarque une boîte de cigarillos dans la main de Michael Brown et le soupçonne de l’avoir volée. Darren Wilson demande donc du renfort et recule sa voiture "de manière à bloquer leur chemin, ainsi que la circulation", raconte le procureur.

Et c’est à ce moment que la situation dérape. Un accrochage a lieu entre le jeune garçon et le policier, toujours assis dans sa voiture. Michael Brown donne deux coups de poing à l’officier. Le procureur a d’ailleurs diffusé des photos de la blessure de l’agent. Durant cette altercation, le policier tire deux coups de feu. Michael Brown s’enfuit, poursuivi par Darren Wilson à pied. Mais le jeune garçon s’arrête et se retourne vers l’officier, qui tire et le tue de six balles.

Le grand jury a retenu que l’adolescent avait gardé les mains au niveau de la taille, alors que certains témoins – mais pas la totalité d’entre eux – ont continué à affirmer qu’il avait levé les bras. Le procureur a tenu à préciser combien il avait été difficile de trancher cette question cruciale pendant les auditions. Pour les jurés, en tout cas, Darren Wilson pouvait légitimement se sentir menacé. Ce qui lui permet d'échapper à un procès.