La situation devient de plus en inquiétante sur le site de la centrale accidentée de Fukushima Daiichi. Les niveaux de radioactivité enregistrés près des réservoirs contenant de l'eau accidentée ne cessent de grimper. Mercredi, les radiations atteignaient 2.200 milliSieverts, un record, contre 1.800 samedi et 100 le 22 août. Les doses sont devenues mortelles pour quiconque y reste exposé pendant quelques heures sans tenue de protection.
Chaque jour, 300 tonnes d'eau déversée en mer. Deux ans et demi après la catastrophe nucléaire, l'exploitant de la centrale Tepco semble dépassé par la situation. La compagnie s'efforce d'assainir le site, une tâche titanesque qui devrait prendre 40 ans. Mais depuis plusieurs semaines, pas un jour ne passe sans que Tepco n'annonce une nouvelle fuite d'eau contaminée, avérée ou crainte. Sur les 400.000 tonnes d'eau radioactive enfouie dans le sous-sol ou stockée dans un millier de réservoirs montés à la hâte, une partie (300 tonnes) s'échappe chaque jour pour aller se déverser en mer.
Seule consolation : la contamination resterait pour le moment locale "puisque les mesures de Tepco en bordure d'océan ne montrent pas d'évolution très importante de la radioactivité au niveau du site", notait Thierry Charles, directeur général adjoint de l’IRSN, chargé de la sûreté des installations et des systèmes nucléaires, invité mardi sur Europe 1. Mais chaque jour, Tepco utilise 400 tonnes d'eau pour refroidir les réacteurs, augmentant encore le volume d'eau stocké sur le site.
"Depuis l'accident, Tepco avait tant à faire, notamment pour rétablir le refroidissement des réacteurs, que le traitement du problème de l'eau a sans cesse été reporté", regrette un ancien directeur de la centrale, Takuya Hattori, qui appelle, lui, à chercher de l'aide auprès d'" organismes et experts étrangers". "Avec les fuites radioactives, on traverse actuellement la plus grave crise depuis l'accident", a-t-il insisté.
Le gouvernement intervient, mais... Devant l'urgence de la situation, les autorités japonaises se sont décidées à intervenir. "Le problème des eaux contaminées devient chaque jour plus critique, et le gouvernement a estimé qu'il était essentiel qu'il s'implique au plus haut degré possible", annonçait mardi le secrétaire général du gouvernement, Yoshihide Suga. Un programme de 47 milliards de yens (soit environ 360 millions d'euros) va donc être mis en place pour colmater les fuites et traiter les eaux irradiées. Mais aucune aide à une expertise étrangère n'a été demandée.
"A un moment où l'opinion publique internationale s'inquiète des conséquences à long terme des fuites répétées sur le site, Tokyo semble obéir à une logique de court terme", regrette Mycle Schneider, consultant indépendant sur les questions liées à l'énergie nucléaire. Tokyo a en effet les yeux rivés sur Buenos Aires où sera annoncée samedi la ville choisie pour accueillir les Jeux olympiques de 2020. Pour le quotidien japonais Asahi Shimbun, c'est cette échéance qui a entraîné, la semaine dernière, le report des travaux d'une commission d'enquête parlementaire sur les fuites d'eau contaminée à la mi-septembre. Certains craignent désormais une tendance à la désinformation si la mégapole nippone l'emporte samedi.