L'ancien juge espagnol Baltasar Garzon a demandé lundi à l'Organisation des Nations unies de faire pression sur Madrid afin qu'une enquête soit ouverte sur les disparitions de 150.000 civils qu'il attribue au régime franquiste.
Baltasar Garzon avait lui même entamé une procédure sur cette question avant que le ministère public espagnol ne vienne y mettre un terme, opposant une loi d'amnistie datant de 1977. Lors d'une conférence de presse organisée à Genève, il a fait part de son optimisme sur ses chances de convaincre la commission onusienne chargée d'étudier sa requête.
"Soixante-quinze ans après, il est temps que nous, Espagnols, acceptions de dire que quelque chose d'affreux s'est produit", a déclaré l'ancien magistrat apparu sur le devant de la scène il y a une dizaine d'années lorsqu'il avait fait mettre aux arrêts l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet par la Grande-Bretagne.
Il avait alors tenté, en vain, de le faire extrader en Espagne pour qu'il y soit jugé. "Ce qui m'effraie tant, c'est l'indifférence des gouvernements espagnols et de toute la classe politique à l'égard du sort des victimes de Franco et des souffrances de leurs familles", a dit Baltasar Garzon. Le dossier est désormais entre les mains du groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires, créé en 2010 dans le cadre d'une convention ratifiée par l'Espagne.
En septembre, deux représentants du groupe de travail se sont rendus en Espagne et ont rappelé au gouvernement qu'aucune loi d'amnistie ne pouvait empêcher le déroulement d'enquêtes portant sur les crimes contre l'humanité. Baltasar Garzon s'est illustré en Espagne dans sa lutte contre la corruption et le trafic de drogue mais également dans son combat contre les indépendantistes basques d'ETA.
Il a été suspendu l'année dernière de toute activité dans la magistrature pour avoir ordonné des écoutes téléphoniques illégales dans une enquête sur des faits de corruption. Il explique que selon ses propres recherches, depuis la guerre civile, qui a déchiré l'Espagne de 1936 à 1939, et jusqu'en 1951, des milliers de civiles ont été exécutés ou enlevés. Quelque 30.000 enfants auraient été retirés à leur mère pour être confiés à "de bonnes familles catholiques".