L'INFO. Genève II, la conférence de paix sur le conflit syrien, a bien failli démarrer sur un échec. Deux jours avant le début de cette réunion diplomatique, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, avait invité l'Iran, soutien indéfectible de Damas, à la table des négociations. Finalement, le diplomate qui doit présider à cette négociation s'est rétracté, craignant que les pourparlers capotent dès son ouverture mercredi. Objet de toutes les attentions : le face-à-face inédit entre les délégations du régime d'Assad et celle de l'opposition. Le premier depuis le début du conflit qui a déjà fait plus de 130.000 morts.
>>> Reste que cette conférence de paix est mal engagée, de l'aveu même des diplomaties ainsi que des parties prenantes au conflit. Que peut-on attendre du rendez-vous de Montreux ? Explications.
• Le régime et l'opposition séparés. La tension sera maximale à l'hôtel Petit Palais, dans le centre de Montreux, où se tient la conférence. Dès lundi, des cartons portant le nom de la quarantaine de pays représentés ont été posés sur les tables de la salle de 240 places au sous-sol où aura lieu la séance inaugurale, finalement sans l'Iran.
Les tables de l'opposition et du régime se font face, séparées par celle réservée notamment au patron de l'ONU, Ban ki-moon, à Lakhdar Brahimi, l'émissaire des Nations unies et de la Ligue arabe pour la Syrie, aux Etats-Unis et à la Russie. Selon la police, les membres des délégations seront logés dans quatre hôtels. "Il y a des délégations qui veulent être physiquement séparées, qui ne peuvent et ne veulent pas être dans le même hôtel", souligne le commissaire Jean-Christophe Sauterel, de la police suisse.
• La délégation de Damas bloquée à Athènes. Illustration des tensions à l'aube de cette réunion, l'avion transportant les représentants du pouvoir syrien a été bloqué pendant cinq heures à Athènes. Une source syrienne a affirmé que les autorités grecques refusaient de fournir du carburant à l'appareil, tandis qu'Athènes évoquait "une procédure pour l'inspecter" en raison des sanctions qui frappent la Syrie. Finalement, l'avion a pu repartir. Par ailleurs, selon le quotidien La Tribune de Genève, des opposants syriens ont aussi connu mardi des difficultés de sécurité et de visa pour se rendre en Suisse.
• Le revirement onusien. L'exclusion de l'Iran a sauvé in extremis la tenue de la conférence mercredi. Mais Téhéran prédit par avance un échec des discussions en son absence. Lundi soir, l'hôte de la conférence, Ban Ki-moon a dû céder face aux protestations des Occidentaux et la menace de la délégation de l'opposition syrienne de boycotter la réunion. Washington, Londres et Paris, qui souhaitent le départ du président Bachar al-Assad, candidat à sa propre succession, avaient fait d'un soutien iranien à une transition démocratique une condition sine qua non de leur présence en Suisse.
Téhéran est accusé de soutenir militairement et financièrement le régime syrien. Autre soutien de Damas, la Russie, qui s'était concertée la semaine dernière à Moscou avec les chefs de la diplomatie syrienne et iranienne, a réagi sobrement. "C'est bien sûr une erreur", a déclaré à la presse Sergueï Lavrov. "Nous avons toujours souligné que tous les acteurs extérieurs devaient être représentés", a-t-il ajouté.
• Pas de nouvelle résolution prévue. La polémique autour de la position iranienne souligne la fragilité du processus engagé. L'invitation écrite lancée par Ban Ki-moon aux pays invités affirme explicitement que le but de la conférence est la "mise en place d'un gouvernement de transition doté des pleins pouvoirs", comme l'avait préconisé Genève I, la précédente conférence de paix. Pour ne pas avoir à faire marche arrière, il n'est en principe pas prévu que la réunion de Montreux adopte une nouvelle résolution, indique-t-on de source diplomatique européenne.
A l'abri des regards de la presse, il devrait surtout y avoir de nombreuses discussions discrètes pour préparer la réunion vendredi à l'ONU, à Genève, impliquant uniquement les deux délégations syriennes et l'émissaire spécial de l'ONU et de la Ligue Arabe. Ce devrait être le début d'un long processus, de sept à dix jours dans une première étape, selon un membre de la délégation russe cité par l'agence Interfax.
• Une opposition divisée. La Coalition de l'opposition syrienne se rend à la conférence de Genève II divisée. Basée à Istanbul, la Coalition -qui rassemble plusieurs groupes de l'opposition- est considérée comme l'un des plus importants représentants de l'opposition syrienne, mais elle peine à présenter un front uni. Le Conseil national syrien (CNS), sa plus importante composante, a finalement annoncé à la veille de l'ouverture de la conférence de paix qu'il ne se rendrait pas en Suisse. "Toute l'idée de Genève est une erreur", avait récemment déclaré le membre du CNS Samir Nashar. Selon lui, Genève II "cherche à rapprocher les positions du régime syrien et celles de l'opposition, les plaçant sur un pied d'égalité". L'obstacle majeur dans les négociations de paix sera vraisemblablement les divergences de points de vue entre l'opposition et le régime sur l'avenir de Bachar al-Assad.
• La communauté internationale attend "des petits pas". Face à ces difficultés, les attentes des diplomaties occidentales sont minimales. "On doit être prudent avec les attentes. On ne va pas voir triompher la paix pendant ces discussions", a prédit Frank-Walter Steinmeier, le ministre allemand des Affaires étrangères, en soulignant la nécessité d'"opter pour une politique des petits pas", notamment dans le domaine humanitaire.
"Aller à l'idéal et comprendre le réel", a commenté de son côté Laurent Fabius, en citant Jean Jaurès. "L'idéal c'est d'aller vers la paix, ça passe par une solution politique", qui "passe par discuter" en Suisse cette semaine. L'objectif, c'est "des avancées vers la paix", en restant "fidèle" à la lettre d'invitation de l'ONU qui parle de bâtir sur la base d'un consentement mutuel "un gouvernement de transition doté de tous les pouvoirs exécutifs".
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