L’INFO. Les rassemblements ont presque éclipsé la grève de 48 heures dans le secteur public. Plus de 10.000 personnes ont entamé mercredi, à Athènes, une marche en direction du siège du parti d'extrême droite représenté à l’Assemblée, l’Aube dorée, pour dénoncer le meurtre par un partisan de cette formation d'un rappeur antifasciste. Outre la capitale, des manifestations ont lieu dans une dizaine de villes, dont Salonique, deuxième ville du pays. Depuis plusieurs jours, un vent de colère souffle en Grèce. Explications.
Le pays est bouleversé. Ce drame, qui a bouleversé l'opinion publique, a conduit à une mobilisation commune des partis de gauche, dont le Syriza et le Pasok, et des syndicats, une première depuis l'entrée au parlement du parti néonazi en juin 2012. La plupart des quotidiens de centre gauche consacraient mercredi leur Une à l'appel à manifester et à dire "Non au fascisme" dans un pays où le souvenir de la junte des colonels entre 1967 et 1974 reste très vif.
Des affrontements dans les cortèges. La manifestation "d'ampleur nationale" a débuté en fin d'après-midi dans le centre d'Athènes et rassemble 10.000 personnes, selon la police, dans deux cortèges distincts qui se sont retrouvés face au Parlement. Sept mille d'entre elles ont pris la direction des locaux du parti néonazi, quelques kilomètres plus au Nord.
"Pavlos vit, brisez les nazis !", proclamait la banderole de l'association Keerfa, pilier de la lutte antiraciste et longtemps isolée dans sa dénonciation des violences xénophobes régulièrement imputées aux sympathisants d'Aube dorée. Mercredi soir, des affrontements ont éclaté entre policiers et manifestants, à quelques centaines de mètres du siège du parti néonazi. Des groupes de manifestants ont jeté des cocktails Molotov sur la police anti-émeutes, qui a répliqué par des tirs de gaz lacrymogènes.
Ce rappeur poignardé à mort. Pavlos Fyssas, 34 ans, un musicien antifasciste, avait été poignardé à mort mercredi dernier dans une banlieue de l'ouest d'Athènes par un camionneur, membre d'Aube dorée. Le réseau d'associations contre le racisme Diktyo a chiffré à 300, le nombre des cas d'agressions racistes recensés par l'association en Grèce depuis octobre 2011. Le parti a, lui, vigoureusement contesté toute implication dans le meurtre, se disant victime d'une campagne de dénigrement. "Comment voulez-vous que je sois Al Capone, payant des criminels dans tous les coins de la Grèce ?", a réagi sur internet Nikos Michaloliakos, le leader d'Aube dorée, qui menace de porter plainte contre tous les partis politiques grecs.
Des opérations de police. Accusée par la presse de passivité, voire de complaisance, face aux agissements des néonazis, la police grecque multiplie désormais les opérations contre Aube dorée. Mardi soir, elle a arrêté un policier chargé de la protection d'un député de ce parti, après la découverte dans des locaux d'Aube dorée à Agrinio (centre) d'objets et de cartouches de chasse lui appartenant. En début de semaine, plusieurs hauts gradés de la police ont démissionné ou été suspendus parce qu'ils n'avaient pas enquêté sur la présence d'armes dans des locaux d'Aube dorée. Une enquête a également été ordonnée dans trois commissariats de la banlieue sud-ouest de la capitale, soupçonnés d'avoir toléré des violences orchestrées par ce parti.
Le fonctionnement paramilitaire du parti. Aube dorée, qui surfe sur la grave crise économique en Grèce, a fait son entrée au Parlement avec 18 députés, sur les 300 que compte la chambre. Depuis la mort du chanteur, la presse multiplie les révélations sur le fonctionnement paramilitaire du parti et ses liens présumés avec la police. Les témoignages anonymes d'anciens membres du parti décrivent la stricte hiérarchie d'un mouvement où les actions violentes sont décidées au plus haut niveau.