Faut-il légaliser les drogues pour limiter le trafic ? Le président du Guatemala, Otto Perez, en est persuadé. Il a lancé samedi dans le quotidien britannique The Guardian un appel à la dépénalisation des drogues comme "alternative" pour lutter contre la violence qui déferle sur l'Amérique centrale. Partant du constat que "la consommation et la production de drogue sont toujours plus importantes" malgré des années de lutte des autorités, Otto Perez en appelle à l'abandon de "toute position idéologique - que ce soit celle de la prohibition ou de la libéralisation – pour lancer un vaste dialogue international basé sur une approche pragmatique : la régulation du marché de la drogue."
L'ancien général de l'armée guatémaltèque, élu au début de l'année, affirme en effet qu'il est aujourd'hui "impossible de mettre fin au marché de la drogue, mais qu'il est certainement possible de le réguler, comme nous avons pu le faire pour l'alcool ou le tabac".
"Légalisation sous conditions"
Prolongeant la comparaison, Otto Perez souligne que "le fait que les drogues soient mauvaises pour la santé n'est pas une raison suffisante pour les interdire", dans la mesure où "tout le monde sait que l'alcoolisme ou le tabagisme font plusieurs milliers de morts chaque année dans le monde", et que "personne n'a jamais proposé d'interdire les plantations de sucre de canne, de pommes de terre ou d'orge, même si elles servent à la production de rhum, de vodka et de bière."
La proposition du président guatémaltèque, dont le pays est particulièrement touché par la violence liée au trafic de drogue, propose donc que "la consommation, la production et le trafic de drogue fassent l'objet de mesures internationales de régulation, ce qui signifie que la consommation et la production devraient être légalisés mais dans un certain cadre et sous certaines conditions". "Dans ce cas, légalisation ne signifierait pas libéralisation sans aucun contrôle", résume Otto Perez.
"Notre voisin est le plus grand consommateur"
Otto Perez avait déjà rouvert ce débat mi-février, relayant les conclusions d'un rapport rendu public à l'été 2011, dans lequel de nombreuses personnalités affirmaient que "la lutte mondiale contre les drogues a échoué" et suggéraient de "mettre fin à la criminalisation" des consommateurs.
Toujours dans The Guardian, le président de la Colombie, Juan Manuel Santos appelait déjà en 2011 les dirigeants du monde à repenser la politique contre les drogues. Une prise de position forte pour un président en exercice alors que la Colombie reste le premier producteur mondial de cocaïne. Quelques mois auparavant, le président du Mexique Felipe Calderón avait lui fustigé l'attitude des Etats-Unis dans cette guerre contres les trafiquants : "nous habitons dans le même immeuble. Notre voisin est le plus grand consommateur de drogue du monde et tout le monde veut lui vendre de la drogue en passant par nos portes et nos fenêtres."
"Des niveaux alarmants" de violence
D'après l'Office international de contrôle des stupéfiants, une agence onusienne, 90 % de la drogue (cocaïne et marijuana principalement) à destination des Etats-Unis transite par l'Amérique centrale. D'après l'organisation internationale, la violence atteint "des niveaux alarmants" au Honduras avec 82 homicides pour 100.000 habitants en 2011, ce qui constitue le record mondial, ainsi qu'au Salvador et au Guatemala.
Si la proposition d'Otto Pérez a suscité un rejet immédiat des grandes puissances - Etats-Unis en tête, suivis par la Russie et la Grande-Bretagne - le Guatemala espère établir une proposition de dialogue commune avant le sommet de l'Organisation des Etats américains au mois d'avril, en Colombie.