Un an après, qu’est-ce qui a changé ? Alors que les Haïtiens sont appelés à se rendre aux urnes dimanche pour élire, entre autre, leur président, 1,3 million d’entre eux vivent encore dans des camps, faute de logements disponibles.
Un pays toujours sous perfusion
"Seulement 10% des débris ont été déblayés depuis le séisme de janvier dernier", estime Christophe Wargny, spécialiste d’Haïti et auteur de Haïti n’existe pas. "Il y a eu un grand élan de solidarité juste après le tremblement de terre, (qui a fait 250.000 morts) mais aujourd’hui les Haïtiens ont un sentiment de déception car leur pays vit toujours sous perfusion de l’aide internationale", a-t-il observé lors d'un déplacement à Port-au-Prince il y a trois semaines.
Sur place, des dizaines d’ONG se mobilisent pour reconstruire, déblayer et venir en aide aux habitants qui ont tout perdu. "La Croix rouge française est présente dans tout le pays et travaille au quotidien avec les Haïtiens", explique Jean-François Riffaud, porte-parole de la Croix rouge française.
Trouver de l’espace pour construire
"Mais cela prend du temps. Quand on se rend à Haïti, on voit l’évolution, mais surtout la lenteur de cette évolution", regrette Jean-François Riffaud. Pour lui, si Haïti peine à se remettre debout c’est avant tout à cause de la fragilité du pays avant le séisme. "La prise en charge des conséquences d’une catastrophe naturelle dépend de l’état d’organisation - et pour Haïti de désorganisation - du pays", analyse-t-il. "Là-bas, tout est déjà lent et difficile en temps normal, alors imaginez après un séisme de telle ampleur !", lance-t-il.
Depuis janvier 2010, la Croix rouge française a construit une centaine d’abris temporaires. Des abris en bois de 12 m2. Une goutte d’eau. "Nous avons prévu d’en construire 3.000 d’ici à 2012, mais il faut savoir que le plus difficile est de trouver de l’espace. L’accès aux terrains est difficile et puis ce sont les autorités qui donnent les autorisations de construire ou non", détaille-t-il.
Les dégâts sont estimés à près de huit milliards de dollars, soit plus de 120% du PIB haïtien, dont 4,4 milliards pour les infrastructures comme les écoles, hôpitaux, routes, ponts, immeubles, ports et aéroports. Les besoins d'Haïti pour se reconstruire sont évalués à 11,5 milliards de dollars sur trois ans.
Le choléra source de tensions
Mais plus que la lenteur de la reconstruction, c’est la situation sanitaire qui inquiète. Le pays est en proie à une épidémie de choléra qui a déjà fait 1.500 morts. C’est la principale préoccupation des ONG aujourd’hui. "Entre 30.000 et 50.000 personnes sont contaminées et cela risque de se développer davantage", alerte Jean-François Riffaud. Malgré le chaos provoqué par le choléra, les autorités ont refusé de reporter les élections présidentielles et législatives.
L’épidémie est devenue source de tension entre les Haïtiens et les casques bleus présents sur place. Les habitants accusent les casques bleus népalais d'avoir introduit le choléra dans le pays. Le chef de la mission de l'ONU en Haïti, Edmond Mulet, a même été jusqu’à faire faire des tests sur ses hommes pour prouver qu’il ne s’agissait que d’une rumeur. Les casques bleus népalais ont été placés sous protection spéciale pour éviter qu’ils ne soient pris à partie par la population.
Les élections ne seront pas suffisantes
"Le climat haïtien est apaisé, tranquille, serein, et sans violences dans les circonstances haïtiennes", assure Edmond Mulet, qui se veut optimiste pour l’organisation du scrutin de dimanche. "Si on compare le processus électoral, la campagne électorale avec les élections législatives de l'année dernière, avec la présidentielle de 2006 ou même avec la présidentielle d'avant, l'évolution est très positive", ajoute-t-il.
Mais pour Christophe Wargny, spécialiste d’Haïti, la tenue d’élections ne suffira pas. "Ce scrutin n’est pas une condition fondamentale à la reconstruction du pays, car il faut aussi organiser un contre-pouvoir, remettre sur pieds les institutions, combattre la corruption", analyse-t-il. Plus de 4 millions d’Haïtiens sont inscrits sur les listes électorales. "Reste à voir combien iront voter', souligne Christophe Wargny. "S’ils sont nombreux, alors ce sera un signe de démocratie pour le pays".