Il y a deux ans, jour pour jour, Haïti, l’un des pays les plus pauvres de la planète, a été frappé par un séisme de magnitude 7 qui a fait plus de 200.000 morts. Port-au-Prince, la capitale, est dévastée. Un Haïtien sur sept se retrouve sans abri et les rues sont jonchées de millions de mètres cubes de débris. Un paysage de chaos dans cette petite île des Caraïbes.
Depuis, le pays a élu au mois de mai dernier un nouveau président, l’ex-chanteur, Michel Martelly. Il sera, en grande partie, chargée de mettre en œuvre cette reconstruction. Mais deux ans après le séisme, Haïti n'est pas prêt à se passer de l'aide des associations humanitaires, qui fournissent aux sinistrés des secours que l'Etat s'avère toujours incapable d'apporter. Des efforts ont été faits mais les "défis sont considérables", a estimé mercredi un responsable de l'agence américaine d'aide au développement.
La santé ? Le choléra toujours présent
Les conditions sanitaires s’améliorent mais elles restent encore très précaires. Selon l’ONG, Médecins sans frontières, Haïti a seulement aujourd’hui quatre hôpitaux gratuits encore accessibles à Port-au-Prince (2 millions d’habitants) alors qu’il faudrait un hôpital pour 150.000 habitants, selon les normes sanitaires.
Dans la périphérie, "l’accès aux soins gratuits est un vrai problème", explique Kenneth Lavelle, un des responsables de la coordination des projets en Haïti pour l’ONG Médecins sans frontières. Il existe pourtant, selon lui, des "structures privées", ainsi que des organisations à but non lucratif qui ne font payer au patient que "le minimum, pour renouveler leur stock de médicaments". Mais, malgré tout, "les gens n'ont pas les moyens" de se rendre dans de telles institutions.
Reste que les responsables sanitaires sont à pied d’œuvre pour essayer d’endiguer les maladies, comme le choléra qui s’est déclaré à la fin de l’année 2010. "Nous sommes toujours en mode endémique", confirme Pierre Salignon à Europe1.fr, le directeur général de Médecins du Monde, une ONG qui a réalisé près de 250.000 consultations en 2011 sur l’île. Selon les estimations de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), le pays aurait besoin d’investir plus d’un milliards de dollars dans les infrastructures et l’assainissement pour éradiquer le choléra, responsable de 7.000 décès dans le pays.
Le logement ? Toujours 520.000 personnes dans les camps
"Je vais vous retirer de sous ces tentes, vous allez retourner dans vos quartiers dans des conditions dignes. Ce que d'autres n'avaient pas pu faire en 20 mois, je vais le réaliser en trois mois". C’était la promesse du président Michel Martelly, haranguant devant son palais en ruines, une foule de plusieurs centaines de sans-abri juste après son élection au mois de mai. Il a bien inauguré récemment un projet de réhabilitation de plusieurs communes de l’agglomération de Port-au-Prince. Moyennant une prime de 500 dollars par famille de sinistrés, certains Haïtiens ont ainsi pu s’installer dans de véritables logements.
Mais la réalité est qu’encore aujourd’hui près de 520.000 personnes vivent dans des camps répartis autour de la capitale. Si certains se vident progressivement comme celui près de l’aéroport international de Port-au-Prince, d’autres, emblématiques de cette catastrophe, sont toujours installés. "Les choses s’améliorent doucement", confie Mackendie Toupuissant, un Haïtien responsable de plusieurs associations et qui rentre juste de l’île, interrogé par Europe1.fr. Le camp juste en face du palais national, dans le centre de la capitale, est aussi toujours en place. "Certains sont partis avec un petit pécule ou alors ils ont reçu un hébergement de l’Etat", ajoute ce responsable associatif.
Signe que le gouvernement haïtien est encore impuissant face à l’immense tâche de la reconstruction, les initiatives locales et citoyennes se multiplient dans les quartiers pour tenter d’accélérer le relogement. C’est le cas de Jacques Raymond, contacté par Europe1.fr, un entrepreneur haïtien, qui a décidé de créer une fondation afin de pouvoir construire des logements parasismiques à la périphérie de Port-au-Prince. Après avoir obtenu des financements, un petit village d’une vingtaine de maisons a vu récemment le jour et treize familles ont été relogées. "C’est une goutte d’eau mais cela permet à des familles qui vivent dans des conditions de promiscuité dans les camps d’avoir un habitat durable", ajoute-t-il.
Les infrastructures ? Les routes toujours en mauvais état
Le nouveau Premier ministre haïtien, Garry Conille vient de décréter 2012 "année de la reconstruction". Dans la capitale, le passage du séisme est toujours aussi visible. Beaucoup de cathédrales et d’écoles sont toujours dévastées, les routes en mauvais état et le palais présidentiel toujours en ruines.
Cette reconstruction des infrastructures a commencé par le déblayage des routes encombrées par 5 millions de m3 de débris. Selon le gouvernement, la moitié aurait déjà été retirée mais ce n’est pas l’avis
de tous les Haïtiens : "l’urbanisme de Port-au-Prince ne vous donne pas ce sentiment. Sur les grandes artères effectivement, les débris sont retirés. En revanche dans les petites rues, il reste encore beaucoup de travail", a constaté Mackendie Toupuissant lors de son dernier séjour à Port-au-Prince.
Un des objectifs de cette reconstruction sera de réhabiliter les routes. L’état de celles-ci a empiré depuis le séisme. La Banque interaméricaine de développement (BID) a annoncé l’octroi de subventions de 55 millions dollars pour aider à améliorer les tronçons routiers clés. Ce projet fait partie d’un vaste plan de l’Etat à destination du réseau routier, des ports ainsi que des aéroports.
Pour le reste, un seul ouvrage public a été érigé après le tremblement de terre. Il s’agit d’un campus universitaire offert clé en main par la voisine de République dominicaine. Trois plans de reconstruction du centre-ville de Port-au-Prince, dont l'un préparé par la Fondation du Prince Charles, sont en attente. "Nous allons faire une fusion des différentes propositions et proposer une version finale de la reconstruction du centre de la capitale", assure Arry Adam, chef de la nouvelle autorité chargée de la reconstruction.
L’économie ? Des aliments américains
Un Haïtien sur deux vit toujours avec moins d’un dollar par jour et l’économie haïtienne reste la plus faible du continent américain. Déjà confronté à un fort taux de chômage, le pays a vu beaucoup d’usines et de plantations agricoles fermées. L’économie d’Haïti était essentiellement fondée sur "l’agriculture, la pêche et quelques usines de textiles, d’huiles ou de savons. Mais le problème d’Haïti est qu’elle importe plus qu’elle n’exporte", explique Nicole Tardivel une économiste haïtienne joint par Europe1.fr.
Avec le séisme, la dépendance à l’égard des autres pays s’est encore accrue. Dans les supermarchés, la plupart des aliments ont pour origine les Etats-Unis et la plus grosse entreprise du pays est irlandaise (Digiciel, une compagnie de télécommunications).
"Aujourd’hui, on ne peut pas parler d’une véritable économie haïtienne. On a une économie de subsistance. Haïti a un peu de rhum (la célèbre marque Barbancourt), un peu de sucre mais c’est très peu au sein de l’économie mondiale", explique Philippe Loisel, un journaliste qui a travaillé pendant des années à Haïti. Les leviers économiques sont donc peu nombreux et le chantier du président Michel Martelly reste immense.