L'INFO. Cela fait depuis novembre 1996 que l'Etat français n'a pas rendu visite au Japon. Jacques Chirac, ce grand amateur de la culture locale, est le dernier président de la République à s'être rendu dans le cadre d'un voyage officiel au "pays du Soleil levant". Cette fois, c'est au tour de François Hollande d'entamer une visite d'Etat. Au deuxième de sa visite dans la capitale nippone, le président français a été reçu par l'Empereur du Japon, Akihito, avec qui il présidera un dîner d'Etat vendredi dans la soirée.
Un voyage soigneusement préparé. Dans ce pays, le protocole et les "bonnes manières" revêtent une importance primordiale. Le président a "un déroulé très précis qui lui est fait par écrit" mais également "un chef du protocole à ses côtés" qui lui indiquera "les gestes à faire, les positions à adopter", affirme une source diplomatique à l'Elysée, contactée par Europe1.fr. Il a revu "tous les aspects du protocole dans l'avion avec son équipe. Il n'y pas d'angoisse particulière", assure l'Elysée qui précise qu'après l'Algérie, la Chine, l'Inde, le président "à l'habitude". Il est également assisté de son traditionnel "sherpa" des questions asiatiques, Paul Jean-Ortiz.
>>> Alors quels sont les écueils à éviter pour le président français ? Europe1.fr a récolté quelques conseils auprès des familiers du Japon.
LE SALUT : Ne pas trop s'incliner devant l'empereur. François Hollande n'est jamais aussi à l'aise que lorsqu'il s'offre un bain de foule et qu'il sert des mains à la chaîne. Mais au Japon, il devra se retenir car ce qui prime dans les salutations, c'est l'absence de contacts. Traditionnellement, "on ne se touche pas, on ne se serre pas la main, on ne se fait pas la bise", explique Pascale Gaubert, spécialiste de la diplomatie japonaise, interrogée par Europe1.fr. Pour le Premier ministre, pas de problèmes : Shinzo Abe ne devrait pas s'abstenir d'une poignée de main franche. Pour l'empereur, la tradition veut également que l'on s'incline. Mais là encore, il vaut mieux s'y connaître car il y a plusieurs types de saluts: 15 degrés, 30 degrés ou 45 degrés. "Lors d'une visite, Obama, lui, s'était incliné à 45 degrés devant l'empereur. Ça a choqué beaucoup de monde aux Etats-Unis. Normalement, François Hollande est l'équivalent de l'empereur qui est le chef de l'Etat. S'il s'incline, il ne doit pas dépasser 15 degrés parce que sinon, c'est une marque de soumission", affirme Pascale Gaubert qui a vécu pendant cinq ans au Japon. Mieux vaut aussi éviter le sourire car il exprime l'embarras où la gêne. "L'émotion passe par le regard. Si on sourit, on le fait avec les yeux et pas avec la bouche", ajoute-t-elle.
SON ATTITUDE : Il ne faut rien exiger et être poli. François Hollande est le président du consensus. Il aime la concertation et le dialogue. Ça tombe bien car au Japon, il ne faut rien exiger, surtout pour effectuer les gestes les plus simples. "Dans la société japonaise, l'autre s'occupe de vous et vous vous occupez de l'autre. On ne doit pas arriver quelque part en exigeant : 'je veux un verre d'eau'. Il faut regarder les gens et la personne va venir vers vous et va vous demander si vous avez besoin de quoi que ce soit", précise Pascale Gaubert. Au Japon, la politesse est une marque de fabrique. "Penser aux autres avant soi-même est quelque chose de très important pour nous", reconnaît Kunie, une Japonaise, chercheuse en biologie qui vit aujourd'hui en France. "C'est très agréable pour nous de voir quelqu'un de très poli. La politesse, c'est montrer le respect aux autres", ajoute-t-elle.
François Hollande devra donc parler "avec les yeux" et répondre toujours par des petits mots. "Si vous répondez par le silence, cela veut dire que vous désapprouvez violemment ce que dit votre interlocuteur", renchérit Pascale Gaubert qui connaît parfaitement les rouages du Quai d'Orsay.
LE REPAS : Il ne faut pas planter ses baguettes dans le riz. Le repas est également très codifié au Japon. Un rituel tellement difficile à assimiler que les Japonais pardonnent aux étrangers leurs "erreurs". Surtout au chef de l'Etat français. Néanmoins, certains gestes sont à éviter lors des repas avec les Nippons. "Il ne faut pas planter les baguettes dans le riz parce que cela fait penser aux urnes funéraires. Dans les cimetières, les noms sont marqués sur des bandelettes en bois qui sont piquées dans la terre", décrypte Pascale Gaubert. Autre conseil primordial pour réaliser le sans faute : manger le dernier grain de riz dans son bol, un aliment quasi "sacré" au Japon et dans la religion shintoïste qui est la plus ancienne du pays.
LES CADEAUX : Il ne doit pas offrir un buste. A chaque visite d'Etat, ses traditionnels cadeaux. Dans le protocole, tout cela est extrêmement codifié et prévu bien en amont. "Le président personnalise les cadeaux. Il fait un choix en fonction des goûts. Il va faire un cadeau de production typiquement française, du savoir-faire français", confie-t-on à l'Elysée. Certains écueils sont néanmoins à éviter comme les cadeaux où le chiffre "4" est indiqué car il évoque la mort. Ou bien encore les cadeaux qui évoquent une forme du corps. "Une sculpture en forme de main ou un buste" sont déconseillés car cela renvoie à des corps réels amputés.
SON HUMOUR : Il faut éviter les petites blagues. Jacques Chirac avait une cote d'amour inégalée au Japon. Sa passion pour les traditions japonaises et les combats de sumo lui ont toujours valu le plus grand respect du peuple japonais. En revanche, Nicolas Sarkozy, lui, ne s'est pas fait que des amis chez les Nippons. Certains d'entre eux ont encore en tête sa tirade de 2004 aux allures de boutade : "comment peut-on être fasciné par ces combats de types obèses aux chignons gominés, s'était-il demandé avant d'ajouter : "ce n'est vraiment pas un sport d'intellectuel." François Hollande a, lui, un "palmarès" vierge au Japon. Toutefois, ce grand amateur de blagues qu'il est va devoir s'adapter. "S'il fait une blague, ça se passera dans un silence de mort. L'humour japonais est très spécial. C'est un humour de répétition. Une blague n'est rigolote que si elle est répétée plus de trois fois", affirme Pascale Gaubert qui conclut : "au cinéma, j'ai rarement vu les gens rigoler alors que moi j'étais pliée de rire".