Mouammar Kadhafi mort, la question de son procès ne se pose plus. Le colonel libyen a été tué dans son bastion de Syrte jeudi. Sans être jugé pour les exactions commises au cours des 42 années de son règne à la tête de la Libye.
Sa capture vivant aurait posé une question de poids : devant quelle juridiction faire comparaître Mouammar Kadhafi ? La Cour pénale internationale (CPI) de La Haye l'avait inculpé de crime contre l'humanité et avait diffusé un mandat d'arrêt à son encontre. Les nouvelles autorités libyennes auraient pu trouver dans l'organisation de son procès en Libye l'occasion de prouver leur attachement aux normes démocratiques.
Les Libyens "s'évitent un feuilleton sans fin"
"La mort du colonel Kadhafi est un événement mitigé pour les nouveaux dirigeants libyens", analyse Daniel Korski, chercheur au Conseil européen des relations extérieures. "Ils s'évitent un feuilleton judiciaire sans fin à la Slobodan Milosevic, qui aurait pu servir de point de ralliement pour les soutiens de l'ex-dictateur, mais sa mort prive aussi le nouveau gouvernement libyen de la possibilité de prouver qu'il vaut mieux que lui", ajoute-t-il.
"Si Kadhafi a bien été tué, et non pas capturé, cela signifie qu'ils vont s'épargner un long procès tortueux qui aurait pu créer des divisions et révéler des secrets gênants". Alan Fraser, spécialiste du Proche-Orient pour la société de conseil en risque AKE, confirme en s'appuyant sur les précédents créés par les procès de Slobodan Milosevic devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ou de Saddam Hussein à Bagdad.
Des organisations de défense des droits de l'homme insistaient de leur côté depuis des semaines sur l'importance d'un procès en Libye. Elles estimaient que l'organisation d'un procès Kadhafi aurait permis au CNT de mettre en place un système judiciaire conforme aux attentes placées en lui. Sa mort "est d'une importance symbolique énorme, elle aide le CNT à aller de l'avant", explique Alan Fraser.
"On ne doit jamais se réjouir de la mort d'un homme"
Côté français, les réactions sont mitigées. Si Alain Juppé assure qu'il n'allait pas "verser des larmes sur Kadhafi", Gérard Longuet s'est montré plus mesuré. "Si c'est confirmé, c'est une bonne issue qui frustrera les Libyens qui souhaitaient un procès".
Vendredi matin, Nicolas Sarkozy a effectué une petite mise au point, par médias interposés : "on ne doit jamais se réjouir de la mort d'un homme, quoi qu'il ait fait", a déclaré le président de la République, appelant au passage au "pardon", à la "réconciliation" et à "l'unité".
"Je regrette plutôt qu'il soit mort sans procès, parce que les victimes sont connues, la liste est longue", a expliqué Rama Yade sur Europe 1. "Pour cela, on aurait voulu voir le colonel Kadhafi dans un tribunal répondre de ses crimes et être condamné pour que justice soit rendue", a conclu l'ex-secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme.