L’INFO. Il se délecte de sa très large victoire qui était déjà annoncée. Le président sortant de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliev a salué jeudi le "triomphe de la démocratie" à l'occasion de l'élection présidentielle dans ce pays musulman chiite. Un scrutin qu'il a lui-même remporté avec un score "soviétique" autour de 85% des suffrages… sans avoir eu à faire campagne. Sauf que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a relevé d'"importants problèmes".
Ces doutes sur la légitimité de son scrutin dans cette ex-république soviétique n’ont pas empêché Vladimir Poutine, le président russe, de saluer cette victoire "convaincante". Entre le raïs d’Azerbaïdjan et l’homme fort du Kremlin, il n'y a plus qu'une proximité géographique mais de vraies ressemblances.
• Comme Poutine, l’opposition dénonce des fraudes lors de l'élection… Il en faudra sans doute plus pour que ces remontrances européennes perturbent la dynastie Aliev, dont le père du nouveau chef de l’Etat, fut lui aussi président de ce pays du Caucase. Pourtant les griefs révélés par l’OSCE sont lourds : des "manipulations avec des listes électorales", un "mauvais voire très mauvais" dépouillement des bulletins de vote dans "58% des bureaux observés". Un air de déjà-vu dans cette région du monde puisque l’OSCE avait déjà relevé de nombreuses irrégularités sur la victoire au premier tour du président Poutine en 2012.
• Comme Poutine, les opposants sont muselés. Mais ce n’est pas tout. Les conditions dans lesquelles les candidats (opposants) ont mené campagne en Azerbaïdjan sont loin d’être optimum. Le scrutin a été miné par des "restrictions de la liberté d'expression et de rassemblement", selon l’OFCE. Les méthodes du raïs d’Azerbaïdjan, à la tête du pays depuis dix ans, sont bien connues. A peu près les mêmes qu’utilisaient déjà son père. La journaliste Khadidja Ismaïlova, qui a enquêté sur le clan Aliev, en a eu pour ses frais : sa porte d’appartement à Bakou, la capitale, fracturée et des agents de la sécurité qui installent une caméra à l’intérieur, rapporte Le Monde. Plus scabreux encore : une vidéo d’elle postée sur Internet lors d’ébats sexuels… Un jeune homme de 26 ans a, lui, été arrêté en avril et inculpé de port d'armes illégal et de tentative de troubles à l'ordre public après avoir participé à une manifestation pour protester contre les abus dans l'armée.
Les exemples sont nombreux. Selon Human Rights Club, il y aurait actuellement une centaine de personnes en détention provisoire ou en prison pour motifs politiques. Les réseaux sociaux n'échappent pas non plus à cet autoritarisme. A l’inverse, près de 150 journalistes pro-gouvernementaux, et quelques autres d'opposition, auraient hérité gracieusement d'un appartement non loin de la capitale, selon le site Eurasinet. Comme en Russie, la répression se durcit et la colère monte. Il y a eu récemment des manifestations sans précédent en Azerbaïdjan pour réclamer plus de libertés.
• Comme Poutine, il a des liens avec le KGB… Son hégémonie, Ilham la tient donc de son père. Baron du pouvoir de l'ère soviétique, Heydar Aliev, comme Vladimir Poutine, avait gravi les échelons du KGB dont il était devenu le chef local avant de devenir le chef du Parti communiste azerbaïdjanais de 1969 à 1982, puis d'entrer au Politburo, l'organe dirigeant de l'URSS. Quand Heydar Aliev, qui avait su manœuvrer pour reprendre les rênes du pays deux ans après l'indépendance de 1991, est mort en 2003, les observateurs considéraient que son fils, le jeune à la réputation de flambeur et d'amateur de casinos, était mal préparé à la tâche. Mais il est éduqué : il parle anglais, français et russe et est diplômé du prestigieux Institut des relations internationales de Moscou. Sa femme est une ophtalmologue issue de la puissante famille Pashayev, qui contrôle un vaste empire financier.
• Comme Poutine, il s'appuie sur ses ressources naturelles… Comme en Russie, la puissance économique du pays provient de ses ressources naturelles. Avec des milliards de dollars de manne pétrolière et du gaz (70% du PIB) qu’il a mis sous sa coupe, Ilham Aliev a su profiter d'une vive croissance économique. En dix ans, le PIB par habitant est passé de 850 à 7.850 dollars (630 à 5.800 euros) même si les disparités se sont accrues (un salaire à 363 euros de moyenne en 2011). Selon les experts, cette nouvelle victoire entachée d’Ilham Aliev ne va rien changer. Il va continuer sa politique prudente, préservant les ventes de pétrole à l'Europe et l'alliance avec les Etats-Unis, tout en évitant d'irriter le grand voisin russe. L’autre force de l’Azerbaïdjan est sa situation géographique puisque c’est une route important pour l’acheminement des forces de la coalition présente en Afghanistan.
De cette puissance financière, la famille Aliev en a tiré une fortune colossale. Une question qui est difficile à aborder ouvertement en Azerbaïdjan, alors que les ONG dénoncent une corruption (139 sur 176 selon Transparency international) et un népotisme devenus monnaie courante. Des enquêtes ont trouvé la trace de sociétés offshore, et selon une journaliste d'investigation, Khadija Ismayilova, les Aliev contrôlent même un pan important du secteur de la banque, de la construction et des télécom.