La dynastie Gandhi. En Inde, une campagne électorale sans un Gandhi pour tenir le haut de l’affiche n’est pas une campagne. “Il faut un étendard de la famille à chaque élection”, confirme à Europe 1 Olivier Guillard, directeur de recherches à l’Institut de relations internationales et stratégiques. Les élections législatives d’avril ne dérogent pas à la règle. Cette fois-ci, c’est le charismatique quadragénaire Rahul Gandhi qui mène les débats. Le jeune député, nommé récemment vice-président du parti du Congrès, descend d’une longue dynastie d’hommes et de femmes politiques, parfois bien malgré eux.
Mais avant, rapide histoire de la lignée : la famille Gandhi (ou Nehru-Gandhi, c’est selon), n’a aucun lien de parenté avec le Mahatma Gandhi, fameux apôtre de la lutte non-violente en Inde. Le grand patriarche de la famille Gandhi est en fait Jawaharlal Nehru, premier Premier ministre indien. Sa fille, Indira Nehru, a pris le nom de Gandhi à son mariage avec Firoz Gandhi, un homme sans liens avec le Mahatma. Et si vous voulez y voir plus clair :
Chronique d’un échec annoncé. Aujourd’hui, l’arrière-petit-fils pourrait prendre le siège de Premier ministre indien dans le cas - hautement improbable au vu des sondages - où son parti gagnerait les élections. Mais “pour cette fois-ci, quand bien même toute la famille travaillerait 24h/24, il ne gagnerait pas”, estime Olivier Guillard.
Rahul Gandhi lui-même ne semble pas franchement y croire. Mais est-il vraiment intéressé par la politique ? La question se pose, car avant lui, son père, Rajiv, et sa mère, Sonia, ont été poussés, un peu contre leur gré, à s’engager en politique.
Après l’attentat qui a coûté la vie à Rajiv Gandhi, Sonia refuse catégoriquement de s’impliquer dans la vie publique et élargit l’interdit à ses enfants. Aujourd’hui encore, en tant que mère et présidente du parti du Congrès, elle essaye de préserver Rahul de son échec annoncé pour ces élections législatives.
Impossible d’y échapper ? Mais même si les Gandhi peuvent rechigner à s’engager, le parti du Congrès leur force la main. Après sept ans de forcing, Sonia Gandhi, pourtant traumatisée par la mort violente de son époux, a fini par accepter de mener une campagne politique. Les barons du Congrès “considèrent que le parti aura plus de chance en mettant un Gandhi en avant”, explique pour Europe 1 Jean-Luc Racine, directeur de recherches au CNRS et vice-président du think tank Asia Centre. Priyanka, la fille, est pour l’instant la seule à avoir échappé à la destinée familiale.
Des Gandhi nationalistes. D'autres Gandhi se sont aussi engagés pour le parti adverse. La tante et le cousin de Rahul, Maneka et Varun, sont élus pour le parti nationaliste du BJP, favoris de l’élection.
Le nom Gandhi fait-il aussi recette de l’autre côté du spectre politique ? “Varun Gandhi tient un discours ultra-nationaliste”, explique Jean-Luc Racine. “Parmi ses électeurs, on retrouve aussi bien des gens qui votent pour lui parce qu’ils sont partisans du BJP que parce qu’il porte le nom de Gandhi”, ajoute-t-il.
Les Gandhi pourront-ils régner éternellement sur l’Inde ? Et pourtant, le modèle dynastique est remis en question par Rahul lui-même. "Le fils Gandhi prône une nouvelle façon de faire de la politique, alors qu’il est lui-même l’incarnation d’un système dynastique", ironise Olivier Guillard.
Après la défaite (annoncée) du Congrès lors de ces élections législatives, la question d’un changement profond du système politique va se poser, selon Jean-Luc Racine. Le parti politique historique de l’Inde va -t-il continuer de s’accrocher à la famille Gandhi pour avancer ou aura-t-il besoin de se reconstruire sur des bases différentes ? Si le Congrès fait ce choix, indique le chercheur, “cela ne serait pas qu’une question de stratégie politique. Cela marquerait profondément l’histoire de l’Inde.”
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