Ils sont près de 4,3 millions à se rendre aux urnes jeudi, pour décider de l’avenir de leur région. Lors de ce référendum historique, les électeurs écossais votent pour ou contre leur indépendance vis-à-vis de Londres. Et décident donc du potentiel éclatement du Royaume-Uni. Europe 1 répond aux questions que vous vous posez sur un scrutin suivi par l’Europe entière.
Qui a décidé qu’un tel référendum se tiendrait ?
Tout a basculé avec la victoire des indépendantistes écossais aux élections locales de 2011. Le Premier ministre britannique David Cameron a été forcé d’engager des discussions avec les membres du Scottish national party (SNP) et notamment avec Alex Salmond, leur leader. En 2012, le Premier ministre britannique signe, à contrecœur, un accord pour la tenue d’un référendum, arguant que les Écossais "ont élu un parti qui voulait un référendum. Je crois qu’il faut [les] respecter". David Cameron a donc promis un vote avant la fin 2014 pour décider de l’avenir de la région. Et le voici. Sauf qu’à l’époque, David Cameron est presque certain que les Écossais voteront pour l’unité du Royaume-Uni. Deux ans après l’accord d'Édimbourg, le contexte a bien changé.
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Quel sera le résultat ?
Bienheureux celui qui peut prédire l’issue du vote. Les résultats s’annoncent très serrés sur la réponse qui sera donnée à la question "L’Écosse devrait-elle être un pays indépendant ?". Ce dernier mois, les études d'opinion donnaient successivement une victoire du "oui", puis une victoire du "non". Le dernier sondage du journal The Guardian montrait un nombre croissant d’indécis. A une semaine de l’élection, près de 17% de la population ne savait toujours pas quoi voter. Les autres électeurs se partageraient le reste du gâteau, à 42% contre l’indépendance et 40% pour.
Quels sont les enjeux de l’indépendance ?
La majorité des débats sur le référendum tournent autour du thème de l’indépendance économique de la région, en particulier sur la place du pétrole.
Selon les chiffres du gouvernement local, l’Écosse serait un pays globalement riche. Il pourrait ainsi être la 14e économie européenne en termes de PIB par habitant, devant le Royaume-Uni et ce grâce à la manne pétrolière. Ce secteur industriel, avec celui du gaz, pourrait en effet représenter jusqu’à 15% du PIB d’une Ecosse indépendante, selon la part des gisements que Londres voudra bien lui céder. Une manne importante mais également fluctuante et périssable.
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Pour autant, l’Écosse peut compter sur d’autres domaines pour remplir ses caisses, comme le secteur des technologies. La région dispose de sa propre Silicon Glen (vallée, en gaélique), spécialisée dans les questions de défense et d’électronique. Quant aux produits alimentaires, les producteurs de whisky (85% des exportations dans ce secteur) s’inquiètent également du maintien de leurs réseaux de vente en cas d’indépendance.
Par ailleurs, en parallèle de la question économique, les partisans du oui mettent en avant un déficit démocratique dont souffrirait l’Écosse depuis son rattachement au Royaume-Uni, en 1707. Le Parlement écossais, créé en 1997, a en effet un nombre limité de compétences, que Londres s’est dite prêt à élargir en cas de non à l’indépendance, pour calmer les esprits.
Quelles conséquences si l’Ecosse dit oui à son indépendance ?
Un "oui" à l’indépendance serait un séisme politique, aussi bien pour le Royaume-Uni que pour l’Europe. Pour autant, chacun aurait le temps de s'y préparer, puisque la scission n’entrerait en vigueur que le 24 mars 2016, selon le livre blanc du gouvernement écossais.
Le coup, en tout cas, serait rude pour David Cameron, qui a supplié les Écossais de rester dans le Royaume-Uni. De nombreux analystes prédisent en effet la chute du Premier ministre, si le "oui" venait à sortir des urnes. Et puis Westminster devrait s’atteler à un autre référendum, celui de 2015 qui concerne le maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne. Sans les Écossais, traditionnellement europhiles, le camp de l’europhobie et le Ukip, parti d’extrême-droite triomphant aux dernières européennes, pourrait sortir gagnant du référendum.
Autre danger pour Londres, cette première scission d’une région britannique pourrait aussi donner des arguments aux revendications des nationalistes du Sinn Fein, en Irlande du Nord. Mais Westminster n’est pas la seule à craindre une victoire des indépendantistes écossais.
De nombreuses régions européennes pourraient avoir envie de suivre l’exemple écossais, la Catalogne en première ligne. Lors de la dernière manifestation à Barcelone, plusieurs centaines de milliers de personnes s’étaient retrouvées dans les rues, galvanisées par la campagne pour l’indépendance écossaise.
Et puis, comment l’Union européenne va-t-elle gérer ce cas inédit dans son histoire ? Les textes européens ne prévoient pas la sécession d’une région d’un État membre. On ne sait donc pas si l’Écosse appartiendrait de facto aux Vingt-Huit (devenant ainsi les Vingt-Neuf) ou si le nouveau pays devrait se soumettre au processus d’adhésion. Une petite révolution attendrait l’Union européenne.