"C’est une nouvelle qui, sans aucun doute, va provoquer de nombreuses polémiques", a prévenu vendredi matin un journaliste de Radio Caracol, en annonçant de source officielle qu'Ingrid Betancourt, otage de la guérilla des Farc pendant plus de six années, avait demandé une indemnisation à l’Etat colombien. Une requête qui a effectivement déclenché, en l'espace de quelques heures, de très vives critiques en Colombie.
Le ministère de la Défense a annoncé vendredi que l'ex-otage enlevée le 23 février 2002 par la guérilla avait réclamé à l'Etat des dommages et intérêts pour un montant total de 12,5 milliards de pesos colombiens pour elle et ses proches, soit environ 6,5 millions d'euros. Il s'agirait d'une somme correspondant, selon elle et rapporté par le ministère, aux torts économiques et moraux entraînés par son enlèvement. Car, selon elle, l'Etat n'aurait pas suffisamment protégé celle qui à l'époque était candidate à la présidence.
Une demande que le ministère de la Défense a immédiatement rejeté. L’affaire pourrait donc finir devant les tribunaux.
Un processus de conciliation
L'avocat d'Ingrid Betancourt, Me Gabriel Devis, explique qu'à ce stade personne n'est poursuivi, ni le gouvernement, ni les forces armées ni aucune des personnes ayant participé à la libération de l'ex-otage de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie. Il souligne que la procédure en est encore au stade de la conciliation extrajudiciaire, une procédure qui devra permettre de se pencher sur les "mécanismes de protection que l'Etat colombien offre à ses citoyens" et n'évoque pas de montant.
Pour tenter de calmer les ardeurs, l'avocat précise dans son communiqué qu'Ingrid Betancourt ressent une "profonde reconnaissance" à l'égard "du gouvernement colombien, des forces armées et tous ceux qui d'une manière ou d'une autre ont risqué avec courage leur vie pour obtenir la libération des otages".
Cette requête a déclenché en Colombie l'indignation générale. Le vice-président Francisco Santos a ainsi déclaré qu'elle remportait le "prix mondial de l'ingratitude", ajoutant qu'il était "triste, indigné et déçu".
Qui est responsable ?
Pourquoi demander une indemnisation ? "L’argument serait que des responsables de l’armée colombienne ont assuré à l’époque à l’ex-candidate à la présidentielle qu’elle pourrait traverser une zone où elle a finalement été séquestrée", précise le journal El Tiempo.
Pour les dommages économiques et moraux subis pendant sa captivité, la Franco-Colombienne et sa famille, qui appartient à l’élite privilégiée de son pays, auraient l’intention de réclamer environ 5 millions d’euros, selon El Tiempo.
"Il n'y a aucune espèce de justification"
La riposte des autorités colombiennes n’a pas tardé. En première ligne, la présidence colombienne qui assure qu’Ingrid Betancourt a "négligé et méprisé les mises en garde", selon les propos rapportés par le journal El Espectador. L’ancien commissaire pour la Paix, Camilo Gomez, affirme de son côté que l’ancienne candidate a signé un document, dans un check-point militaire, juste avant d’entrer dans la zone dangereuse. Un texte dans lequel elle dirait assumer la responsabilité de sa propre sécurité. "Il n'y a aucune espèce de justification" à la requête d'Ingrid Betancourt, martèle-t-il, dans les colonnes du magazine Semana.
Sur internet, les Colombiens ne cachent pas leur colère. "Ils devraient lui faire payer ce que sa séquestration et sa libération ont coûté politiquement et économiquement aux Colombiens", peut-on lire dans un commentaire cité par El Tiempo. "Et qui lui a demandé d'être aussi bête !!!", s'indigne un autre internaute, réactivant le sentiment anti-Betancourt qui a été vivace pendant de longues années en Colombie.