L'EIIL gagne du terrain. Des combattants sunnites emmenés par l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) se sont emparés dimanche de trois localités dans la province d'Anbar, dans l'ouest de l'Irak. L'armée a affirmé dimanche qu'elle s'en était retirée pour des raisons "tactiques" de "redéploiement". Mais l'EIIL a pris également le contrôle de deux postes-frontière de la même province, à la frontière irako-syrienne. Selon des officiers et des médecins, les insurgés ont aussi abattu 21 responsables locaux entre samedi et dimanche à Rawa et Aana.
Une prise de taille. Les insurgés de l'EIIL cherchent à mettre en place un califat s'étendant sur la Syrie et l'Irak, en effaçant la frontière tracée en 1932 par les puissances européennes qui exerçaient des "mandats" sur les pays de la région. La prise de postes-frontière constitue une prise de taille car elle permet désormais aux insurgés sunnites de faire passer du matériel militaire des territoires qu'ils contrôlent en Syrie vers l'Irak.
De nombreux morts. Dans cette province d'Al-Anbar, les insurgés sunnites tenaient déjà depuis janvier la ville de Fallouja, à 60km à l'ouest de Bagdad, et des secteurs de Ramadi. Depuis le début de leur offensive le 9 juin, les insurgés ont mis la main sur Mossoul, deuxième ville d'Irak, une grande partie de sa province Ninive (nord), de Tikrit et d'autres secteurs des provinces de Salaheddine (nord), Diyala (est) et Kirkouk (nord), et avancent désormais à l'ouest. Dans la nuit de samedi à dimanche, les combattants djihadistes ont attaqué la ville d'Al Alam, au nord de Tikrit, selon des témoins et la police. Ils ont été repoussés par les forces de sécurité et des milices tribales, ajoutent ces mêmes sources qui font état de deux morts et deux arrestations parmi les assaillants. La télévision publique a rapporté que les "forces antiterroristes", en coordination avec l'armée de l'air, avaient tué 40 membres de l'EIIL et détruit cinq véhicules dans des combats à Tikrit même, fief de l'ex-président Saddam Hussein.
Kerry appelle les Irakiens à l'unité. Au même moment au Caire, le secrétaire d'Etat américain John Kerry appelait les dirigeants irakiens à l'unité pour éviter que le pays ne s'enfonce dans le chaos. Le chef de la diplomatie américaine a entamé dimanche une tournée pour pousser les chefs d'Etat de la région à user de leur influence pour convaincre le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki de former rapidement un gouvernement d'union nationale. il a appelé les dirigeants irakiens à dépasser les fractures confessionnelles tout en affirmant que son pays n'était "pas responsable" de la crise et ne cherchait pas à "choisir" un leader pour l'Irak. L'idéologie de l'EIIL "est une menace non seulement pour l'Irak mais aussi pour la région tout entière (...). Nous sommes à un moment critique où nous devons exhorter les dirigeants irakiens à dépasser les considérations confessionnelles et à parler à tous", a-t-il lancé.
Obama tire la sonnette d'alarme. Les Etats-Unis, qui ont promis d'envoyer 300 conseillers militaires pour aider l'armée irakienne tout en excluant les frappes aériennes réclamées par Bagdad, ne ménagent pas leurs critiques contre M. Maliki, qu'ils ont pourtant longtemps soutenu, accusé de mener une politique confessionnelle dans un pays au bord du chaos. "C'est au peuple irakien de choisir ses dirigeants", a répété John Kerry au Caire, mais Washington aimerait le voir "se trouver une direction prête à représenter tout le peuple irakien". Dans une interview diffusée dimanche, le président américain Barack Obama a mis en garde contre les dangers que l'avancée de l'EIIL représentait pour la stabilité de l'ensemble de la région, estimant qu'ils pouvaient "déborder sur des pays alliés comme la Jordanie".
L'Iranien Khamanei s'en mêle. Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a exprimé dimanche son hostilité à toute intervention américaine en Irak, affirmant que les Irakiens étaient capables de mettre eux-mêmes fin aux violences dans leur pays. Ali Khamenei a déclaré que les Etats-Unis visaient à maintenir l'Irak sous leur coupe et à placer leurs complices au pouvoir. Cité par l'agence Irna, il a jugé que le conflit en Irak n'était pas d'ordre religieux, entre majorité chiite et minorité sunnite, mais qu'il opposait les partisans d'un Irak sous influence américaine et les partisans d'un Irak indépendant. "Les autorités américaines s'emploient à décrire cela comme une guerre confessionnelle, mais ce qui se produit en Irak n'est pas une guerre entre sunnites et chiites", a déclaré Khamenei. "Nous sommes fermement opposés à une intervention des Etats-Unis et d'autres pays en Irak", a ajouté Khamenei. "Nous ne l'approuvons pas, parce que nous sommes persuadés que le gouvernement, la nation et les autorités religieuses d'Irak sont capables de mettre fin à la sédition. Et si Dieu le veut, ils le feront."
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