Un vétéran pas comme les autres. Il était celui vers qui beaucoup de soldats se tournaient lorsque l'atrocité des combats était trop usante psychologiquement. Dix ans quasiment jours pour jours après le début de l'invasion américaine, l'histoire du capitaine Peter Linnerooth, psychologue dans l'armée, rappelle que le traumatisme des vétérans est encore bien présent. Celui que l'on surnommait "le magicien" et qui a aidé des centaines et des centaines de GI's, s'est suicidé au mois de janvier dernier à l'âge de 42 ans, raconte l'agence Associated Press.
Son cabinet de Bagdad. Soixante, voire soixante-dix heures par semaine, ce psychologue était à l'écoute des soldats. Parfois à bord des hélicoptères, ou au sein même des convois, il n'hésitait pas à mettre sa vie en péril. Ses "frères d'armes" venaient trouver refuge dans son bureau au camp Liberty de Bagdad. Les militaires le décrivent comme un homme un peu "bourru", qui écoutait du heavy-metal. Une voix "rauque" pour ce "grand professionnel" qui était doté d'une "âme douce". Ce père de famille avait décoré son modeste cabinet avec les photos et les dessins de ses enfants. Il portait même sur son sac des chaussures de sa plus jeune fille afin que la chance l'accompagne sur les champs de bataille. L'armée lui a décerné une étoile de bronze à la fin de son déploiement.
Un stress post-traumatique. En 2007, Peter Linnerooth quitte l'Irak car il n'en peut plus. Il a trop vu d'amputations, de femmes agressées sexuellement, de soldats qui souffrent des troubles paranoïaques et d'anxiété… A son retour, il devient professeur dans un collège du Minnesota. Mais même à plusieurs milliers de kilomètres de Bagdad, la guerre ne le quitte pas. "Il n'est plus le même" dit alors l'un de ses amis. Peter Linnerooth prend rapidement conscience de l'ampleur du phénomène des suicides chez les vétérans. Le psychologue commence à être rongé par les mêmes maux qu'il soignait : colère, stress post-traumatique, dépression. "Il parlait souvent du suicide", raconte un autre proche. Peter Linnerooth commence à écrire dans des revues spécialisées sur l'épuisement mental des soldats. Il en parle aux médias, comme le prestigieux New York Times, pour sensibiliser le grand public. Il devient le porte-voix de ces milliers d'hommes qui souffrent en silence. En réalité, il avouait aussi ses propres faiblesses. La spirale négative se poursuit et son second mariage périclite.
"Une perte terrible". En janvier dernier, Peter Linnerooth finit par passer à l'acte. Et son suicide a énormément ému les soldats avec qui il a servi en Irak. Une page commémorative a été créée sur Facebook où de nombreux "frères d'armes" ont laissé des messages. "Pete a aidé plus d'un millier de soldats par des conseils directs", raconte Angela, dont le mari était médecin dans l'armée. "Il a amélioré les conditions de vie d'innombrables soldats grâce à ses efforts inlassables pour mieux connaître la santé mentale", ajoute-t-elle. "Quelle perte terrible et tragique !", déplore le colonel Keith Sledd, le commandant du bataillon de Pete Linnerooth en Afghanistan. "C'était une personne exceptionnel, un soldat, un médecin", lui rend hommage ce militaire. Mais, comme le dit sa veuve, sa "souffrance" était trop grande.