Suspecté de vouloir acquérir la bombe nucléaire, l’Iran est depuis longtemps sous surveillance. Gendarme du secteur, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a rendu son dernier rapport le 8 novembre. Verdict : de "sérieuses inquiétudes" fondées sur des informations "crédibles". L’Iran préparerait bien la bombe nucléaire. Europe1.fr fait le point sur un dossier au long cours.
Quelles sont les ambitions nucléaires de l’Iran ? Téhéran développe bien un programme nucléaire, redémarré en 2005, mais il s’agit officiellement de construire des centrales pour produire de l’électricité. Le régime a, en revanche, toujours nié vouloir acquérir la bombe atomique, mais la frontière entre nucléaire civil et militaire est mince. D’autant que l'Iran a cessé en 2006 d'appliquer le protocole additionnel du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), convention internationale pour limiter la prolifération nucléaire.
Où en est le programme nucléaire iranien ? Le pays enrichit de l’uranium à 20%, inutile pour le nucléaire civile mais indispensable pour réaliser une bombe. L’Iran est capable d’en produire 20 kilos par an, or il en faut 200 kilos par bombe : l’Iran est donc théoriquement capable de produire une bombe par an. Mais il faut aussi maîtriser la technique de la détonation pour qu’une bombe nucléaire explose efficacement. Or l’AIEA révèle que l’Iran travaille actuellement sur des détonateurs : l’Iran entre donc dans la dernière ligne droite.
Pourquoi l’Iran veut-il acquérir la bombe atomique ? L’arme nucléaire lui permettrait avant tout d’asseoir son statut de puissance régionale et d’alimenter la fierté nationale, renforçant l’aspiration de l’Iran à s’ériger en protecteur des musulmans chiites. Elle constituerait aussi une arme de dissuasion dans une zone déjà lourdement armée : le Pakistan à l’Est, Israël à l’Ouest et la Russie au Nord. Mais l’argument sécuritaire est plus discutable avec des voisins irakien et afghan affaiblis et des Etats-Unis qui n’ont aucune envie d’ouvrir un nouveau front au Moyen-Orient.
Quand l’Iran pourrait-il disposer d’une bombe nucléaire ? Une bombe nécessite un lanceur, or l’Iran ne dispose que de missiles d’une portée de 2.000 à 3.000 km, pouvant atteindre la péninsule arabique et Israël. Il travaille désormais sur un missile pouvant parcourir 5.000 km, de quoi atteindre le sud de l’Europe. Selon les experts, l’Iran a encore besoin de trois à cinq ans pour disposer de tous les outils nécessaires à la confection d’une bombe : matière fissible, détonateur et lanceur.
Quelle est l’attitude de la communauté internationale ? Tout en maintenant le dialogue, elle a multiplié les sanctions internationales : six condamnations de l’ONU se sont traduites par des restrictions diplomatiques et des embargos (sur le pétrole, les investissements, l'import-export, etc.). L'Iran "ne reculera pas d'un iota" sur son programme nucléaire, a répondu le président Mahmoud Ahmadinejad, avant de dénoncer un rapport à charge sans "preuve sérieuse". La pression pourrait donc s’accroître encore dans les mois à venir, bien que la Chine et la Russie n'y soit pas favorables.
D’autres actions sont-elles menées en parallèle ? Officiellement, non mais plusieurs États sont suspectés de mener depuis plusieurs années un travail de l’ombre. Les services secrets auraient multiplié les sabotages d’installations nucléaires en Iran, mais aussi de matériel scientifique importé. Le doute plane aussi autour du virus informatique Stuxnet, qui aurait déréglé et détruit de nombreuses centrifugeuses.
Plusieurs assassinats ciblés intriguent également : en novembre 2010, deux attentats à la voiture piégée tuent un physicien nucléaire et en blesse un autre en plein Téhéran, un scénario qui s’est répété en janvier 2010. Cette méthode forte s’accompagnerait d’incitations plus douces : la CIA a lancé en 2005 le programme "Brain Drain" pour inciter les scientifiques et hauts gradés iraniens à collaborer et émigrer.
Quelle est la position de la France ? Lors de la dernière conférence des ambassadeurs, au cours de laquelle est définie la politique étrangère française, Nicolas Sarkozy a déclaré que les "ambitions militaires, nucléaires et balistiques (de l’Iran) [constitueraient] une menace croissante", mais "qu’une attaque préventive contre les sites iraniens provoquerait une crise majeure dont la France ne veut à aucun prix".
La France privilégiait donc un renforcement des sanctions contre Téhéran, mais le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé a opéré un durcissement début novembre en promettant sur Europe 1 "des sanctions d'une ampleur sans précédent". Il envisage aussi la saisine du Conseil de sécurité de l’ONU pour dissuader l’Iran.