Après deux jours de violents affrontements, les canons à eau et les gaz lacrymogènes se sont tus à Istanbul et dans d'autres villes de Turquie. La police s'est retirée samedi après-midi de la place Taksim, épicentre de la contestation, laissant la place à des milliers de manifestants venus crier victoire. Cette place située dans le centre d'Istanbul était occupée depuis vendredi pour protester contre un projet d'aménagement urbain et plus généralement contre la politique du gouvernement. Le dernier bilan des autorités turques fait état de 79 blessés, dont 53 civils et 26 policiers. 939 personnes ont également au cours de plus de 90 manifestations survenues dans 48 villes. L'organisation Amnesty International affirme, elle, que les incidents ont fait deux morts et un millier de blessés mais ces chiffres n'ont pas été confirmés.
Un centre commercial à la place d'un parc. Tout est parti d'un projet d'aménagement urbain qui prévoit de déraciner les 600 arbres du parc Gezi, sur la place Taksim, pour construire un centre commercial, un centre culturel et reconstituer une caserne militaire de l'époque ottomane. Le projet de la municipalité, tenue par le parti islamo-conservateur au pouvoir, est dénoncé par de nombreux urbanistes, architectes et écologistes. Lundi matin, l'apparition des premiers bulldozers a provoqué les premiers incidents entre la police et les militants et riverains qui montaient la garde dans le parc, soutenus par des députés de l'opposition. Les opposants ont remporté une première victoire vendredi avec la décision d'un tribunal administratif de suspendre le projet de reconstruction de la caserne.
Leur mouvement a très vite pris un tour politique en dénonçant le gouvernement et ses méga-projets de construction à Istanbul, comme le troisième pont sur le Bosphore, dont la première pierre a été posée mercredi, ou un aéroport géant. Le gouvernement islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002 est, de plus, accusé de dérives autoritaires et de vouloir "islamiser" la société turque.
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"Démission du gouvernement". Ameutés par les réseaux sociaux, les protestataires ont dressé une barricade sur l'avenue Istiqlal, une des grandes artères piétonnes et commerçantes de la ville qui mène à la place Taksim. Certains portaient des foulards ou des masques de chirurgien sur le visage et scandaient des slogans appelant à "l'unité contre le fascisme" et à la "démission du gouvernement". Mais de son côté, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan est resté très ferme, prévenant dans un premier temps que la police resterait sur la place Taksim avant qu'elle ne se retire finalement, laissant la place à des milliers de manifestants.
"La police turque utilise du gaz lacrymogène contre une manifestante", témoigne sur Twitter un journaliste de Reuters :
Turkish riot policeman uses tear gas on woman protesting against destruction of trees in a park central Istanbul twitter.com/pdacosta/statu…— Pedro da Costa (@pdacosta) June 1, 2013
Le Premier ministre reconnaît "des erreurs". Les pays alliés occidentaux, les Etats-Unis et le Royaume Uni ont appelé le gouvernement turc à la retenue et à "respecter les libertés d'expression, d'association et de rassemblement". Recep Tayyip Erdogan a reconnu samedi qu'il y a eu "des erreurs, et des actions extrêmes dans la réponse de la police" et a annoncé qu'une enquête avait été ordonnée par le ministère de l'Intérieur. Le vice-Premier ministre Bülent Arinç a de son côté présenté ses "excuses" : "plutôt que de lancer du gaz sur des gens qui disent 'nous ne voulons pas de centre commercial ici' (...) les autorités auraient dû les convaincre et leur dire que leurs inquiétudes étaient partagées", a-t-il déclaré.