L'INFO. La police turque a évacué samedi par la force le dernier carré des manifestants qui occupaient le parc Gezi d'Istanbul, le bastion de la fronde antigouvernementale qui agite la Turquie depuis deux semaines, après un nouvel ultimatum du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.
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Les canons à eau et de la lacrymo. Peu avant 21 heures locales, les forces de l'ordre sont intervenues avec des canons à eau pour disperser des centaines de personnes qui s'étaient réunies sur la place Taksim, puis sont entrées dans le parc, qu'elles ont vidé de tous ses milliers d'occupants par des jets de grenades lacrymogènes. Plusieurs personnes ont été interpellées. De nombreuses tentes dans lesquelles les occupants s'apprêtaient à passer une nouvelle nuit ont été détruites et leurs banderoles arrachées, ont constaté des journalistes de l'AFP.
"Ils sont entrés de force, avec beaucoup de gaz. Ils nous ont frappé, même les femmes", a raconté à l'AFP un des manifestants, Ader Tefiq. "J'étais à l'intérieur de la tente hôpital (...) ils ont lancé des grenades lacrymogènes et des dizaines de policiers sont entrés", a rapporté de son côté Elif, un médecin de 45 ans, "ils nous ont pris nos masques et nos lunettes de protection en nous disant que nous n'en aurions plus besoin désormais".
Les menaces d'Erdogan. Deux heures plus tôt, le chef du gouvernement avait lancé un nouvel avertissement aux manifestants, lors d'un discours prononcé devant plusieurs dizaines de milliers de partisans réunis dans une lointaine banlieue d'Ankara. "Nous avons une réunion publique demain à Istanbul. Je le dis clairement : si Taksim n'est pas évacuée, les forces de sécurité de ce pays sauront comment l'évacuer", a lancé Recep Tayyip Erdogan sur le ton ferme qu'il affectionne depuis le début de la crise. "S'il y a encore des frères là-bas, s'il vous plaît, partez parce que ce parc appartient à la population d'Istanbul", a-t-il insisté, "ce n'est pas une zone d'occupation pour des organisations illégales".
Samedi matin, la coordination des manifestants, le collectif Solidarité Taksim, avait annoncé son refus de quitter le parc Gezi, malgré les gestes de conciliation du pouvoir. "Nous allons poursuivre notre résistance contre toute injustice dans notre pays (...) Ce n'est qu'un début, notre lutte se poursuivra!", a-t-elle indiqué, "aujourd'hui nous sommes bien plus forts, organisés et optimistes qu'il y a dix-huit jours".
Les irréductibles. Lors d'une rencontre avec une délégation de la société civile, dont deux porte-parole de la la coordination des manifestants, Recep Tayyip Erdogan avait promis qu'il ne toucherait pas au parc tant que la justice, saisie par les adversaires de la destruction du parc, n'aurait pas définitivement tranché le dossier. Mais les irréductibles du parc Gezi ont refusé catégoriquement ce que le pouvoir a présenté comme des concessions. "Nous restons dans le camp parce que nos demandes n'ont pas été satisfaites par le gouvernement", a expliqué Ata, futur docteur en mathématiques. "Il veut montrer son pouvoir pour nous intimider, nous menacer", a-t-elle ajouté, "mais c'est précisément pourquoi nous sommes là, c'est tout le problème", a-t-elle ajouté.
Une nouvelle réunion dimanche. Le Premier ministre doit tenir dimanche après-midi une nouvelle réunion publique avec des dizaines de milliers de manifestants à Istanbul. Les brutalités policières et l'intransigeance de Recep Tayyip Erdogan face aux protestataires lui ont valu de nombreuses critiques et terni son image à l'étranger, notamment auprès des États-Unis et des pays de l'Union européenne.