"J'ai signé pour ne pas mourir"

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avec Sébastien Krebs et Damien Gourlet , modifié à

- Abdallah Souissi a été torturé huit jours dans les geôles de Ben Ali.

Huit jours et huit nuits en enfer, dans les sous-sols du ministère de l'Intérieur. C'est ce qu'a vécu Abdallah Souissi, un Tunisien de 33 ans, opposant à Ben Ali. Comme des milliers d'autres, il a été torturé. Europe 1 revient sur la face la plus noire du régime de l'ancien président.

Abdallah vit près de Kairouan, dans le nord est de la Tunisie. Il a participé à toutes les manifestations contre le régime de Ben Ali. Comme les autres, il a été filmé et photographié par la police. Cinq jours avant le départ du président , il est arrêté par des agents, sans uniforme, sans mandat d'arrêt, et qui l'emmènent dans une cave du ministère de l'Intérieur. Abdallah y restera huit jours.

"Je n’ai pas dormi pendant 3 jours"

"Ils nous ont fait une réception digne du 13ème siècle, avec les chiens, les matraques, tout ce que vous pouvez imaginer", raconte-t-il sur Europe 1. "Ils frappent, ils nous versent de l'eau chaude, de l'eau gelée pour que l'on ne s'endorme pas. Je n'ai pas dormi pendant trois jours de suite, à genoux, nu, sous les coups de matraque et de pied", se souvient Abdallah.

"C’est inimaginable" :

Les rapports déjà écrits, prêts à être signés

La méthode d'interrogatoire est rodée : "deux qui posent les questions et deux qui torturent", explique Abdallah. Les questions ? "Vous avez le droit de dire ce qu'ils veulent entendre. Ils ont déjà écrit les rapports et vous n'avez qu'à signer", ajoute-t-il. Et comme les autres, Abdallah a signé, "pour ne pas mourir", dit-il.

"Le plus beau jour de ma vie"

Le départ de Ben Ali, Abdallah ne l'a appris que le lundi, soit trois jours après la fuite de l'ancien président. "Je l'ai su grâce à un prisonnier qui m'a dit 'Ben Ali est parti'", se souvient-il. Sa libération, Abdallah l'a vécue comme "le plus beau moment de toute [sa] vie". Et ce qui l'a le plus marqué, c'est d'avoir entendu un homme insulter Ben Ali en pleine rue.

Une fois sa liberté retrouvée, Abdallah a fait constater ses blessures. Il a constitué un dossier pour engager des poursuites judiciaires. Et ils sont des centaines dans son cas.

"Ce sont eux qui ont bravé les balles"

Pour toutes ces victimes, une commission d'enquête vient d'être créée pour enquêter sur le rôle des forces de sécurité dans les violences. Taoufik Bouderbala a été nommé à sa tête. Le matin même de sa prise de fonction, 12 personnes faisaient déjà la queue devant son bureau, un dossier sous le bras.

Taoufik Bouderbala veut rendre hommage aux Tunisiens qui ont payé de leur vie la révolution du jasmin. "Nous devons leur rendre un peu de ce qu'ils nous ont donné. C'est eux qui ont bravé les balles", déclare-t-il sur Europe 1.

"Dire qui a tué qui" :

Pour recueillir les témoignages, la commission a prévu de se rendre dans les villes de province. Et un numéro vert sera mis en place dès mercredi.