La Tunisie a entamé samedi son deuxième jour de deuil national en mémoire des victimes du soulèvement populaire- évaluées à une centaine de morts, selon l'ONU. La veille, le Premier ministre du gouvernement intérimaire, Mohammed Ghannouchi, s'est engagé à quitter la politique après la période de transition, lors d'une allocution télévisée.
Cet homme, qui a occupé le poste de Premier ministre pendant plus de 11 ans sous le régime Ben Ali, est apparu très ému sur les écrans et a avoué que durant toute cette période, il "avait peur, comme tous les Tunisiens". Très contesté par la rue tunisienne en raison de son appartenance à l'ancien régime, il s'est dépeint sous les traits d'un modeste exécutant animé par le souci de mener à bien une transition et a tenu à rassurer sur le caractère irréversible de la transformation du pays. "Nous avons opéré un revirement à 180 degrés", a assuré Mohammed Ghannouchi, estimant qu'il n'y avait "pas de possible retour en arrière".
Les victimes de Ben Ali indemnisées
Lors de ce discours, le Premier ministre s'est engagé à quitter la politique après la période de transition qui s'achèvera avec des élections "démocratiques et transparentes" et annoncé que "toutes les lois antidémocratiques seraient abrogées" pendant la transition, comme les lois électorale et antiterroriste ainsi que celles concernant le code de la presse. Le statut de la femme, qui interdit la polygamie, ne sera pas modifié, ni la gratuité de l'enseignement ou l'accès à la santé, présentés comme acquis irréversibles de la société tunisienne.
Mohammed Ghannouchi a aussi promis d'indemniser les victimes du régime de Ben Ali et d'envoyer des émissaires pour poursuivre l'ex-président déchu, réfugié en Arabie Saoudite. Le Premier ministre de transition est resté flou en revanche sur la date des élections, qui pourraient ne pas intervenir avant six mois.
Des milliers de manifestants à Tunis
Les Tunisiens manifestent quotidiennement pour demander la démission du gouvernement d'union nationale formé lundi, dont cinq ministres, en majorité de l'opposition ont déjà démissionné. Samedi,plusieurs milliers de personnes, dont de nombreux policiers, ont recommencé à défiler dans le centre de Tunis, et une centaine de policiers ont manifesté à Sidi Bouzid, ville au sud de Tunis où la "révolution du jasmin" a débuté il y a cinq semaines après l'immolation d'un jeune vendeur de fruits. "Nous sommes aussi les victimes de la bande des Trabelsi", ont clamé les policiers en référence à la famille honnie de la seconde épouse du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, Leïla Trabelsi. Depuis vendredi, des policiers portant des brassards rouges se joignent à Tunis et dans plusieurs autres villes aux manifestations quotidiennes qui dénoncent la mainmise de caciques de l'ancien régime sur le gouvernement d'union nationale.