Pas question de suivre les Etats-Unis dans ce revirement vis-à-vis de Bachar al-Assad. C'est en somme ce que disent le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères français après les propos de John Kerry, le secrétaire d'Etat américain. Manuel Valls et Laurent Fabius se sont désolidarisés de la proposition de l'allié américain de "négocier" à terme avec le dictateur syrien.
Invité lundi sur Canal+, le Premier ministre Manuel Valls a dit regretter les paroles de John Kerry : "Il n'y aura pas de solution tant qu'il y aura Bachar al-Assad à la tête de la Syrie". La France "a toujours dit qu'il fallait une solution politique, toujours", a souligné le chef du gouvernement. Mais Bachar al-Assad "est le responsable de dizaines de milliers de morts, de personnes qui ont été gazées" dans cette guerre qui dure depuis quatre ans.
Un "cadeau à Daesh". De son côté, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a déclaré lundi que négocier avec le président syrien reviendrait à "faire un cadeau absolument scandaleux" au groupe terroriste Etat islamique. "La solution" au conflit syrien, "c'est une transition politique qui doit préserver les institutions du régime, pas Bachar al-Assad", a déclaré Laurent Fabius à l'issue d'une réunion à Bruxelles. "Les millions de Syriens qui ont été persécutés par Bachar Al-Assad se reporteraient pour soutenir Daesh", a fait valoir le ministre. "C'est évidemment ce qu'il faut éviter."
Federica Mogherini, la haute représentante aux affaires étrangères de l'Union européenne, a pour sa part rappelé la position de l'Union européenne, indiquant que "travailler à une solution durable" au conflit syrien passait "évidemment (...) par des représentants du régime d'Assad". "J'imagine que M. Kerry s'est exprimé dans ce sens. Je ne pense pas qu'il faisait référence à M. Al-Assad lui-même", a ajouté la chef de la diplomatie européenne.
Les pays de la péninsule arabique ont également regretté les propos de John Kerry. "Le fait d'admettre qu'Assad fasse encore partie du paysage ne peut se concevoir que dans le cadre d'un accord provisoire, pendant un an ou deux... Si c'est cela que voulait dire M. Kerry, alors nous comprenons", a déclaré le Koweïtien Sami al Faradj, conseiller auprès du CCG (Conseil de coopération du Golfe).
Kerry rétropédale. John Kerry a affirmé dimanche qu'"au final, il faudra négocier" avec le dictateur pour mettre fin au conflit. "S'il est prêt à engager des négociations sérieuses sur la façon d'appliquer (le processus de paix de) Genève I, bien sûr", a-t-il ajouté. Une de ses porte-parole a toutefois précisé qu'il n'y avait eu aucune modification de la position américaine et qu'il "n'y a pas d'avenir pour un dictateur brutal comme Assad en Syrie".
Laurent Fabius a confirmé cette position en rapportant un entretien avec John Kerry, qui lui aurait "assuré qu'il n'y avait absolument rien de nouveau dans la position américaine sur la Syrie". "Dont acte", a dit le ministre français. "Mais de toutes les manières, la France est un pays indépendant et notre politique extérieure par rapport au drame épouvantable qui se passe en Syrie n'a pas changé".
Al-Assad réagit. Le principal intéressé, lui, dit "attendre des actes" avant d'ouvrir le dialogue avec ses ennemis. Bachar Al-Assad a déclaré sur une télévision iranienne : "Nous sommes encore au stade des déclarations et nous devons attendre des actes avant de décider". Assad a dit que tout changement de l'attitude internationale à l'égard de la situation en Syrie serait positif. Mais il a également réaffirmé que les pays devaient mettre fin au soutien aux "groupes terroristes", l'expression qu'utilise Damas pour désigner les insurgés.
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