La CPI n’a pas traîné. Le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo a annoncé jeudi l'ouverture d'une enquête pour crimes contre l'humanité en Libye. Une enquête qui vise notamment le colonel Mouammar Kadhafi et ses fils. Au total huit personnes sont dans le collimateur de la CPI.
Le procureur a énuméré plusieurs "incidents", au cours desquels "des manifestants pacifiques auraient été attaqués par des forces de sécurité" : à Benghazi le 15 février, à Aal-Bayda, Derna et Zenten le 16 février ainsi qu'à Tripoli le 20 février.
6.000 morts dont 3.000 à Tripoli
"Nous avons identifié certains individus qui jouissent d'une autorité de facto, qui auraient une autorité sur les forces de sécurité qui auraient commis ces crimes", a poursuivi le procureur, citant "Mouammar Kadhafi, son cercle rapproché y compris ses fils". "Mais nous avons également identifié des individus qui jouissent d'une autorité formelle" et qui "pourraient être tenus pour responsables aux yeux de la loi", a continué le magistrat.
Selon la Ligue libyenne des droits de l'Homme, la répression a fait 6.000 morts, dont 3.000 à Tripoli et 2.000 à Benghazi, un bilan nettement plus important, dans cette dernière ville, que les 220 à 250 morts avancés par des sources hospitalières locales et le CICR.
Un message fort aux proches de Kadhafi
Mais les associations, qui saluent l’ouverture de cette enquête restent tout de même sceptiques quant à l’effet d’une telle décision sur le dirigeant libyen. "Finalement ce n’est pas vraiment lui l’objectif, mais les gens sous ses ordres", décrypte Géraldine Mattioli, de Human Rights Watch, sur Europe 1. "On espère que ces gens-là auront entendu le message et qu’ils savent désormais qu’il n’y aura pas d’impunité".
L’objectif de cette annonce par la CPI est donc principalement, aujourd’hui, de faire changer d’avis les lieutenants de Kadhafi sachant qu’il existe un vrai risque de sanction. "Si les forces dont ils ont le commandement commettent des crimes, ils pourraient être tenus pour responsables pénalement", a souligné le procureur qui n'a pas donné leurs noms.
C'est la première fois depuis l'ouverture de la CPI en 2002 que le procureur ouvre aussi rapidement une enquête. Il avait été saisi samedi par le Conseil de sécurité des Nations unies et menait depuis lundi un examen préliminaire, préalable à l'ouverture d'une enquête. "Nous sommes dans une situation exceptionnelle où ceux qui ordonnent les atrocités le revendiquent publiquement", a expliqué une source proche du procureur de la CPI. "Nous avons en direct la preuve des ordres de répression massive et systématique contre les civils, la preuve de la mise en oeuvre de ces ordres, et le résultat de ces ordres", a-t-elle ajouté.
La CPI est le premier tribunal permanent chargé de poursuivre des auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide commis depuis 2002. Il avait déjà été saisi sur le Darfour en 2005, ce qui avait conduit à délivrance de mandats d'arrêt contre le président soudanais Omar el-Bechir pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide, en mars 2009 et juillet 2010.