L'un après l'autre, les habitants du petit village de Kalachi au Kazakhstan tombent littéralement de sommeil. Pendant plusieurs jours d'affilée, ils restent inconscients, comme endormis, sans qu'il soit possible de les réveiller. Un étrange mal qui a valu au village le surnom de Sleepy Hollow.
Le premier cas est apparu en 2010, dans ce village du nord du pays. Sur les près de 600 habitants, 117 personnes se sont retrouvées à l'hôpital après s'être brutalement endormies. Les malades arrivent souvent par vague. Depuis mars 2013, le phénomène s'intensifie de manière constante, note le Siberian Times dans un article repéré par Le Monde.
Une fatigue extrême et des hallucinations parfois. Après la rentrée de 2014, huit enfants se sont endormis après avoir joué dans la cour de récréation de l'école. Des adultes tombent de sommeil en pleine rue, raconte le journal. Les symptômes sont une fatigue extrême, mais aussi des vertiges, des pertes de mémoire ou encore une incapacité à rester debout. Après plusieurs jours à l'hôpital, les malades se réveillent sans souvenir. Un enfant du village souffre aujourd'hui de maux de tête et de dos. Une petite fille de 4 ans a également été prise d'hallucinations avant de sombrer, comme le raconte sa mère : "Elle a regardé vers moi et m'a dit : 'Maman, tu as trois yeux'. Ensuite, elle a regardé au-dessus de mon épaule et a dit : 'Quelque chose grimpe sur le radiateur !'".
L'origine de ce mal étonnant reste aujourd'hui encore inconnue. Un médecin qui a traité des patients explique à la télévision russe Russia Today (vidéo sous-titrée en anglais) qu'un "œdème cérébral diffus" a été détecté par un scanner, mais sans "aucune détérioration neurologique".
Un gaz à l'origine de la maladie ? Récemment, Leonid Rivkhanov, professeur en sciences géologiques et minéralogiques de l'université polytechnique de Tomsk a pointé du doigt les mines d'uranium abandonnées qui entourent Kalachi pour expliquer le phénomène. "Le sous-sol percé s'est lentement rempli d'un eau qui remonte à la surface, libérant avec elle des poches de gaz", a-t-il supposé, mettant en cause le radon, un gaz radioactif.
Mais Sergeï Loukachenko, directeur de l'Institut de sûreté et d'écologie radionucléaire au Centre national du nucléaire du Kazakhstan, réfute cette hypothèse : "Il est certain que ce n'est pas le radon", a-t-il déclaré. Le scientifique penche plutôt pour le monoxyde de carbone : "Nous suspectons ce gaz car le village a une situation géographique et des modèles météorologiques particuliers, qui poussent les fumées de cheminées à tomber au sol plutôt qu'à s'envoler." Une quinzaine de chercheurs de son laboratoire tentent de percer le mystère de Kalachi.
Le village évacué. En attendant, la panique s'empare de Kalachi et sa région. Des chauffeurs de taxi refusent de s'y rendre et de nombreux habitants préfèrent fuir. Olga, 21 ans, y vit avec ses deux jeunes enfants et son mari. Elle explique au Siberian Times que "beaucoup de gens ont envoyé leurs enfants chez des proches dans d'autres villes et villages". Elle-même envisage d'imiter les 25 familles qui ont déjà quitté le village. Selon Azer News, les autorités kazakhes proposent de reloger les habitants et envisagent d'évacuer totalement Kalachi d'ici le mois de mai. Mais certains irréductibles refusent de partir. Une femme de 52 ans confie au Siberian Times "ne pas avoir peur de tomber de sommeil. Nous avons tout ici : notre maison, notre foyer. J'ai trois vaches : où puis-je aller avec elles ?"