La conversation, au téléphone, est émaillée de tirs nourris. Le docteur Arif est l’un des 7.000 à 8.000 civils encore piégés dans Kobané, la ville syrienne contrôlée en partie par les djihadistes de l’Etat islamique (EI). Au cœur des combats, ce médecin joint par Europe 1 est au chevet des blessés. Les tirs, si proches, sont bien ceux des "armes lourdes de Daesh", le nom arabe de l’Etat islamique, confirme-t-il. Malgré les frappes aériennes de la coalition anti-EI, qui semblent freiner un peu la progression des djihadistes, les combats font toujours rage.
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Les enfants ont peur d’être décapités. Les djihadistes ont "bombardé trois hôpitaux", sur les quatre que comptait Kobané, explique le docteur Arif, qui soigne chaque jour entre dix et trente blessés par jour, dans un immeuble anonyme, en ville. La pénurie est telle qu’il doit lui-même donner son sang. Le médecin raconte aussi les crises de nerfs et la terreur des habitants, qui vivent cachés dans des abris souterrains. Il affirme voir beaucoup de cadavres dans les rues, dont ceux de deux combattants portant des passeports tunisiens.
Parfois, "les enfants qui arrivent pour des soins me disent ‘docteur, on a peur que Daesh arrive dans nos maison et nous coupe la tête’", rapporte le praticien, qui dit pouvoir "tenir" encore "cinq à dix jours maximum" et prévient que des enfants commencent à souffrir de malnutrition.
Des habitants de Kobané racontent leur "cauchemar" :
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"C’est un cauchemar". Membre du conseil municipal de Kobané, Idriss Nassen alerte lui aussi sur la catastrophe humanitaire qui se profile, alors que des quartiers entiers sont déjà tombés. "On va chercher l’eau dans les puits, mais elle n'est pas pure, ce n'est pas de l'eau potable", explique-t-il notamment. "Il va y avoir des maladies dans Kobané, parce qu’il y a des cadavres de combattants qui pourrissent dans les rues et parce qu'on manque de nourriture", prévoit Idriss Nassen, qui résume la situation : "c’est un cauchemar". Lui a vu son quartier envahi et sa maison prise par les djihadistes, mais il a réussi à fuir.
"Ici, personne jusqu’à maintenant n’arrive à croire ce qui leur arrive", poursuit-il. Son message est clair : il faut un couloir humanitaire, au plus vite. Et sa crainte est que les djihadistes s'emparent du point de contrôle de la frontière. Car Kobané se trouve tout près de la Turquie, mais la frontière ne s’ouvre qu’au compte-goutte. Rares sont ceux qui parviennent à passer. Le sort de ceux qui y arrivent est incertain : le docteur Arif explique que des blessés graves meurent à la frontière, en attendant de passer. Contacté par Europe 1, un activiste, qui venait tout juste de passer de l’autre côté de la frontière a de son côté raconté qu’il avait immédiatement été arrêté par les autorités turques.
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