"L’Australie est un des pays les plus répressifs envers ses réfugiés"

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3 QUESTIONS A - La politique sécuritaire et migratoire australienne se durcit depuis l’arrivée de Tony Abbott au pouvoir. Europe 1 vous éclaire sur la politique du Premier ministre.

Quand un député en arrive à porter plainte contre son propre pays pour "crime contre l’humanité", le geste a de quoi interroger sur la politique menée par l’Australie. Régulièrement, le pays est pointé du doigt pour sa manière de traiter ses migrants, mais aussi pour ses mesures fermes pour lutter contre le terrorisme. Le Premier ministre Tony Abbott, que François Hollande rencontre mercredi, vogue à droite toute. Europe 1 vous propose de mieux comprendre sa politique avec Fabrice Argounès, géographe et politiste, spécialiste de l’Australie, rattaché au centre Emile Durkheim de l’université de Bordeaux.

L’Australie mène-t-elle une politique migratoire plus dure que d’autres pays occidentaux ?

Après une longue période où l’Australie s’est construite comme une sorte d’Angleterre aux antipodes, autour d'une politique dite de l'Australie blanche, elle s’est ouverte à partir des années 1970 en vantant une politique multiculturelle, comparable au Canada. Depuis les années 2000, ils accueillent en moyenne 150 à 200.000 migrants légaux par an et depuis 1945, 7 millions de migrants sont arrivés en Australie. C’est un chiffre important par rapport à une population totale de 23 millions d’habitants. C’est encore un pays qui fait rêver une partie de la population de ses voisins de la région Asie-Pacifique avec sa situation économique enviable.

Pour ce qui est des migrants illégaux, la situation est toute autre. Les normes d'accueil se sont durcies depuis les années 2000, après le 11-Septembre. Dans une optique comparable à celle de l’Europe et des Etats-Unis, les frontières ont été renforcées. Comme l’Union européenne avait négocié avec la Libye de Kadhafi pour accueillir ses migrants, l’Australie a passé des accords avec des pays voisins pour reléguer ces migrants illégaux dans des camps de rétention installés à l’étranger, comme sur les îles de Manus et Nauru.

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La campagne anti-immigration du gouvernement australien fait polémique.

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En comparaison avec d'autres pays de l’OCDE, l’Australie est en effet un des pays les plus répressifs vis-à-vis de ses réfugiés. Même si l’Europe applique une politique en partie comparable, l’Australie a, dans la dernière décennie, renforcé son arsenal répressif pour apparaître comme un des états les plus sévères dans ce domaine. C’était d’ailleurs un des principaux enjeux des dernières élections. Lors de la campagne législative de 2013, Tony Abbott promettait qu'aucun navire n'arriverait plus sur les côtes australiennes en cas d'élection. Élu premier ministre, il a effectivement renforcé la pression sur les migrants.

Et par ailleurs, géographiquement, l’Australie a toujours l’impression d’être en première ligne de l’immigration, un peu comme l’Espagne ou l’Italie. Oasis de richesse dans un environnement plus pauvre, le gouvernement australien a multiplié les accords avec les voisins  pour quasiment "acheter" de l'espace de rétention pour migrants hors du sol national. Ainsi, Nauru, micro-Etat insulaire ruiné, dépend de l'aide australienne pour sa survie. Son gouvernement a évidemment accepté l’installation d’un camp de rétention.

En Australie, les réfugies participent souvent d'un imaginaire de la menace, comme le terrorisme ou la supposée instabilité régionale. En même temps, de plus en plus de migrants font route vers l’Australie. Et l'immigration illégale représente, depuis 2001, entre quelques centaines et 20.000 migrants par an, soit de 1 à 10% du total suivant les années.

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Qu’en est-il de la politique sécuritaire australienne, en particulier en réaction au risque terroriste ? Les députés ont récemment voté une nouvelle loi, dont un volet prévoit l’interdiction totale de voyager dans certains pays, comme l’Irak et la Syrie, pour la totalité des citoyens australiens...

A partir de 2001, de nombreuses lois jugées liberticides ont été votées au nom de la lutte contre le terrorisme. L'arsenal juridique mis en place, notamment après les attentats de Bali en 2002, a été encore renforcé par le gouvernement Abbott durant les derniers mois pour répondre à la crise politique et militaire au Moyen-Orient, mise en balance avec la sécurité intérieure (comme cela peut être le cas en France). La question du djihad en Syrie et Irak est notamment invoquée, avec l’idée de contrôler ce qui est quasiment incontrôlable.

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Peut-on parler d’une droitisation de la politique australienne avec Tony Abbott ?

D'une certaine manière, L’Australie s’est "droitisée" à partir de la fin des années 90, avec l’élection de John Howard (Premier ministre de 1996 à 2007), affirmant des valeurs conservatrices. Tony Abbott semble sur certains points aller encore plus loin sur ces valeurs, mais fait surtout reposer certaines positions, en particulier dans le domaine environnemental, sur la primauté donnée à la croissance économique. Par exemple, les travaillistes, en poste de 2007 à 2013, ont difficilement mis en place une taxe carbone. Une fois au pouvoir, Tony Abbott s’est empressé de la supprimer. Les politiques migratoires et environnementales symbolisent en partie ces évolutions, même si elles ne représentent nullement l'ensemble de des enjeux politiques australiens.

Tony Abbott présente notamment des valeurs familiales extrêmement classiques. Cela n’est pas pour autant un symbole d’une supposée évolution profonde de la société. Mais elle montre ses limites sur la question de l’immigration à travers le soutien, depuis 15 ans, à une politique plus répressive envers les migrants. Une majorité de la population soutient Tony Abbott dans le renforcement des mesures restrictives envers l’immigration clandestine.