Des dizaines de milliers d'Espagnols ont manifesté pour protester contre la cure de rigueur.
C'est une véritable marée humaine. Des dizaines de milliers de personnes, agitant des drapeaux rouges, ont défilé jeudi dans le centre de Madrid et Barcelone, au soir d'une grève générale contre la réforme du travail et la politique d'austérité du gouvernement de droite espagnol. A la veille de l'annonce du budget 2012 marqué par une cure de rigueur sans précédent, des manifestations se sont déroulées dans une centaine de villes d'Espagne.
176 interpellations, 58 policiers et 46 manifestants blessés
A Madrid. Portant de petites pancartes où étaient dessinés des ciseaux, symbole des réductions budgétaires, au moins 100.000 manifestants ont parcouru les avenues du centre de Madrid. Les syndicats ont annoncé près d'un million de personnes, le quotidien El Pais 170.000. Dans le cortège, José Luis Rodriguez, commercial dans le secteur automobile de 35 ans, explique avoir fait le choix de perdre une journée de salaire pour défendre ses droits, en faisant grève pour la première fois de sa vie. "Cette journée va me coûter 60 euros, c'est peu en comparaison de ce qu'ils risquent de me prendre demain avec la réforme, ils peuvent me jeter à la rue", a-t-il lancé. "Ils attaquent les droits des travailleurs, si nous ne sortons pas dans les rues, ils ne sauront pas que nous sommes contre la réforme".
A Barcelone. Les manifestants, évalués à 800.000 par les syndicats, 80.000 par la police, ont aussi défilé dans la deuxième ville du pays, où des incidents, parfois violents, ont éclaté entre policiers et groupes de jeunes. Dans la capitale de la Catalogne, des protestataires ont incendié des poubelles et ont jeté des chaises appartenant à des cafés. Les forces de l'ordre ont dû utiliser des balles en caoutchouc.
Partout ailleurs, la mobilisation était forte, avec 50.000 personnes à La Corogne selon la police, 25.000 à Saint-Jacques de Compostelle selon les syndicats, entre 72.000 et 400.000 dans toute l'Andalousie, entre 35.000 et 250.000 à Valence, suivant les estimations. Dans tout le pays, des piquets de grève s'étaient installés tôt le matin aux portes des usines, des banques ou des stations de transports en commun. A Madrid, 30% en moyenne des métros et des bus devaient circuler, de même que 20% des trains nationaux dans le reste du pays. Les compagnies aériennes ont annulé en moyenne 60% de leurs vols. Les ports de Valence et de Séville sont restés fermés.
Au total, 176 personnes ont été interpellées, 58 policiers et 46 manifestants ou grévistes ont été blessés, selon le ministère de l'Intérieur.
630.000 emplois en moins en 2012
Les syndicats Comisiones Obreras (CCOO) et UGT voulaient ainsi dénoncer la réforme du marché du travail déjà appliquée par le gouvernement, dans le but de combattre un chômage qui frappe 22,85% des actifs. Selon eux, cette réforme aura pour seul effet d'aggraver le fléau, alors que le gouvernement espagnol, lui-même, prévoit déjà la destruction de 630.000 emplois en 2012 et un chômage à 24,3% en fin d'année. "Cette grève générale est un succès démocratique indiscutable", s'est réjoui Candido Méndez, secrétaire général de l'Union général des travailleurs (UGT). Les syndicats ont évalué la participation à la grève à 77%, en comptant les services minimum.
Pour le chef du gouvernement Mariano Rajoy, au pouvoir depuis cent jours, cette grève arrive au pire moment : sous l'œil de ses partenaires européens, inquiets de l'état des finances publiques du pays, le Conseil des ministres doit présenter vendredi le budget 2012, marqué par des coupes sévères. L'objectif de ce budget est de réduire à 5,3% du PIB en fin d'année le déficit public, après un dérapage jusqu'à 8,51% en 2011, au prix de lourds sacrifices sociaux.