Ils vivent cette annonce comme un coup de poignard démocratique. Les Egyptiens ne connaîtront pas ce jeudi, comme c'était pourtant prévu, le nom de leur futur président. La commission électorale a en effet réclamé un délai pour l'examen des recours déposés par les deux candidats, Mohamed Morsi des Frères musulmans et Ahmed Chafik, issu des rangs de l'armée et du régime d'Hosni Moubarak.
Rumeurs sur une intervention de l’armée
Ce report alimente dans les cafés du Caire et sur les réseaux sociaux les rumeurs sur une intervention de l'armée, soupçonnée de préparer son déploiement dans les grandes villes du pays. De sources militaires, on répond que l'armée est simplement en état d'alerte de crainte d'éventuelles violences après l'annonce des résultats de la présidentielle.
Ce climat de tensions est exacerbé par l'incertitude sur l'état de santé d'Hosni Moubarak. Condamné le 2 juin à la réclusion à perpétuité pour la mort de manifestants durant la "révolution du Nil", l'ancien président, âgé de 84 ans, a été transféré mardi soir dans un hôpital militaire, où il alternerait périodes de coma et de réveil.
Les manifestants rassemblés place Tahrir
Pour la deuxième nuit consécutive, des milliers de manifestants se sont rassemblés mercredi soir sur la place Tahrir du Caire, épicentre de la révolution ayant abouti au renversement d'Hosni Moubarak 16 mois plus tôt. Ces manifestants exigent de l'armée qu'elle respecte sa promesse de transmettre le pouvoir aux civils d'ici le 1er juillet.
Dans les faits, cet engagement risque de ne pas être honoré. En plein dépouillement du scrutin présidentiel, le Conseil suprême des forces armées (CSFA) vient de s'arroger le pouvoir législatif après la dissolution du parlement issu des élections remportées par les islamistes l'hiver dernier.
Il a en outre par avance dépouillé le futur chef de l'Etat de quasiment toute prérogative dans l'attente de la rédaction de la future Constitution, tâche qu'il pourrait confier à une commission formée par ses soins.
Inquiétude pour les prochains jours
Jusqu’où iront les militaires ? La question est sur toutes les lèvres jeudi matin en Egypte alors que des tractations secrètes auraient lieu en ce moment même entre les Frères musulmans et les militaires pour dessiner les contours du futur pouvoir.
Mais, face aux blindés qui se sont déployés massivement dans les rues du Caire, les Frères musulmans n’ont qu’une arme : leur nombre. C’est cet affrontement là, diffus, qui se joue depuis quelques heures dans les rues du Caire et qui portent en lui des signes très inquiétants pour les prochains jours.