Malgré le discours d'apaisement prononcé par le président tunisien Ben Ali jeudi soir, la tension n'est pas retombée vendredi. Une journée marquée par des manifestations d'opposants au régime qui se sont affrontés avec les forces de l'ordre. En fin de journée, l'état d'urgence a été décrété.
Concrètement, cela se traduit par la mise en place d'un couvre-feu de 18h à 6h du matin, l'interdiction des rassemblements sur la voie publique - notamment de plus de trois personnes -, et que les armes seront utilisées par les forces de l'ordre sur tout "suspect" refusant d'obéir aux ordres. De plus, le gouvernement tunisien a fermé l'espace aérien.
Le ministère des Affaires étrangères français a immédiatement réagi. Paris conseille désormais "vivement" aux personnes se rendant en Tunisie "de différer tout voyage qui n'aurait pas un caractère d'urgence" dans ce pays. Selon les informations d'Europe 1, 5% des départs prévus ce week-end pour la Tunisie ont été annulés.
Les émeutes continuent
De violents heurts se sont produits vendredi après-midi à Tunis entre des groupes manifestants et des policiers anti-émeutes. Des coups de feu ont retenti devant le ministère de l'Intérieur où la police a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser plusieurs milliers de manifestants qui réclamaient la démission immédiate du chef de l'Etat. Les principaux partis d'opposition demandent le départ de Ben Ali. Au pouvoir depuis 1987, le président tunisien avait promis jeudi soir de ne pas briguer de nouveau mandat en 2014. Un photographe français a été blessé à la tête d'un tir de grenade lacrymogène.
Des blindés de l'armée étaient déployés à proximité, selon des témoins.
Pour la seule nuit de jeudi à vendredi, un bilan fourni par des sources médicales et des médecins fait état de treize civils tués.
Vendredi au petit matin, la capitale Tunis avait pourtant commencé à retrouver un visage plus habituel avec la réouverture des commerces et des cafés et une reprise de la circulation automobile. A Hammamet, le nettoyage des rues se terminait en fin de matinée. Les magasins avaient même rouvert. Pour Mohammed, cafetier, les manifestations semblaient terminées. "Le peuple a eu ce qu’il voulait, c’est fini maintenant, j’en suis sur", avait-il expliqué sur Europe 1. Mais il s’agit, en fait, d’une image trompeuse. La ville entière reste cadenassée par une présence dissuasive des forces de l’ordre, observe l’envoyé spécial d’Europe 1 sur place.
"Ne baissons pas les bras"
Le président Ben Ali s'est engagé jeudi soir à quitter le pouvoir au terme de son mandat en 2014 et a ordonné la fin des tirs contre les manifestants, dans l'espoir d'apaiser un mouvement de contestation sans précédent. Vendredi, il a décidé de limoger son gouvernement et il a ainsi appelé à des législatives anticipées dans six mois. L'actuel Premier ministre Mohammed Ghannouchi a été chargé de former le nouveau gouvernement.
Les rares journaux, proches du pouvoir, présents dans les kiosques de la capitale se sont félicités de son discours, le quotidien Le Temps titrant en manchette "Après le sang et la désolation, la liesse et de nouveau l'espoir". Alchourouk titre de son côté : "On m'a trompé et je vous ai compris", reprenant les termes du discours du président tunisien" que le journal qualifie d'"historique".