Keiko Sofia Fujimori Higuchi est une équilibriste. L’exercice auquel elle se prête ? Marcher dans les pas de son père, l’ancien dictateur emprisonné, Alberto Fujimori, tout en gardant son image sulfureuse à distance. Car à seulement 35 ans, la jeune femme est encore en course pour le second tour de la présidentielle péruvienne, le 5 juin prochain.
Lors du premier tour, la jeune députée a obtenu 23,2% des suffrages, devant l’ancien Premier ministre libéral Pedro Pablo Kuczynski, et derrière Ollanta Humala qui s’est imposé à 30,5% des voix, d’après les résultats partiels officiels.
"Première Dame du Pérou" à 19 ans
La politique, Keiko Sofia Fujimori Higuchi baigne dedans depuis son plus jeune âge. Elle a à peine 10 ans quand son père devient président. Mais c’est lors du divorce de ses parents qu’elle se lance dans l’arène. A seulement 19 ans, elle devient "Première Dame" du Pérou, à la demande de son père. Et ce, jusqu’à la destitution d’Alberto Fujimori par le Congrès, à la suite d'un scandale politico-financier.
Malversations, corruption, détournements de fonds ou encore enlèvements. En 2009, le père de Keiko Sofia Fujimori Higuchi est condamné à 25 ans de prison, pour violation des droits de l'Homme pendant sa présidence par le tribunal de Lima, alors qu’il est en exil au Chili. Un héritage lourd à porter pour une candidate à la présidentielle.
Cette jeune femme au physique tout en rondeurs revendique être "très fière d'être la fille d'Alberto Fujimori". Il n'est pas question pour elle de nier l'héritage de son père qu’elle dit victime d'un "procès politique". Au contraire. Elle l’assume. Pour elle, c’est "le meilleur président que le Pérou ait eu". Et la filiation est claire. "Tout le monde sait que la prospérité que nous vivons est due aux réformes initiées par les gouvernements" d'Alberto Fujimori, n’hésite-t-elle pas à affirmer.
Un ton plus "conciliateur"
Avec ses discours pro-fujimoristes, la députée populaire jouit d’une popularité certaine. Un noyau de Péruviens a effectivement conservé un attachement à l’ancien président. Alberto Fujimori a gardé un fort soutien pour avoir vaincu dans les années 1990 à la fois l'hyperinflation et les guérillas d'extrême-gauche, dont celle du Sentier lumineux, au prix fort socialement et par une violente répression.
Tout à son exercice d’équilibriste, Keiko Fujimori prône la démocratie libérale, tout en suivant les traces de l’ancien président. "Mon père avait le message clair et fort requis pour combattre le terrorisme et redresser l'économie. A présent, le message requis est toujours fort, mais plus conciliateur", assure-t-elle. La jeune candidate a promis des réformes fujimoristes de "deuxième génération", mais aussi la relance de programmes sociaux "énergiques" et de chantiers des années 1990.
"La décision finale est mienne"
Pas suffisant pour les détracteurs de Keiko Fujimori. Ils mettent en cause l’intégrité de la jeune femme. A tel point, qu’elle doit, sans cesse, démentir que son père de 72 ans est, depuis sa prison de Lima, le cerveau de sa campagne et, qu’en cas de victoire, il tirerait profit de son élection. "Son avis est écouté, mais la décision finale est mienne", a-t-elle dit à maintes reprises.
Pour preuve de sa bonne foi, la jeune députée a aussi assuré qu'elle ne gracierait pas son père si elle devenait présidente du Pérou. Mais pas seulement. Elle a assuré vouloir se fier aux recours judiciaire.
Reste que beaucoup redoutent qu’une fois élue elle demande une clémence pour les crimes du conflit interne de 1980-2000. D’autres craignent que son arrivée au pouvoir soit synonyme de retour d'un réseau politico-militaire influent, à l'origine des scandales de corruption de la fin de l'ère Fujimori, marquée notamment par la mise en place d'écoutes téléphoniques généralisées.