La Belgique, 365 jours après...

Le cap des 365 jours sans gouvernement est passé mais la Belgique se porte bien © Reuters
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Assiya Hamza , modifié à

INTERVIEW - Le politologue Jean-Yves Camus décrypte pour Europe1.fr la situation du royaume.

La Belgique se porte plutôt bien. Alors que le pays a passé lundi le cap des "un an" sans réel gouvernement, les indicateurs économiques du royaume sont positifs, parfois même plus que ceux de ses voisins européens. La croissance affiche 3% contre 2,2% en France, le chômage se situe à 7,7% contre 9,9% pour l’Hexagone, les déficits publics atteignent 4% contrairement aux 7% français.

Une situation pas si paradoxale pour Jean-Yves Camus, politologue et chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques. Il réponds aux questions d'Europe1.fr

Depuis 365 jours, la Belgique est gérée par un "gouvernement en affaires courantes", qu’est-ce que cela signifie ? Dans la pratique constitutionnelle belge existe la notion de "gouvernement en affaires courantes". Il s'agit d'un gouvernement dont le chef a présenté officieusement sa démission au Roi, après une crise politique ou des élections. Ce gouvernement dispose de pouvoirs limités mais non codifiés par le droit. Les affaires courantes désignent les décisions quotidiennes du gouvernement qui sont nécessaires au fonctionnement ininterrompu du service public.

En pratique, ce type de gouvernement conduit aussi les affaires en cours, c'est à dire celles qui étaient entamées lorsque le cabinet était en fonction et les affaires urgentes, par exemple si survenait une catastrophe naturelle, un acte terroriste ou s'il faut décider, comme cela a été le cas en 2011, de la participation au contingent international engagé en Libye. Ce gouvernement peut préparer le budget mais il existe une controverse à ce sujet entre les juristes car normalement, seul un gouvernement de plein exercice peut déposer ce projet de budget devant le Parlement. En fait, d'autres juristes estiment que la notion d'urgence recouvre toute la procédure budgétaire. En théorie, la situation actuelle peut durer jusqu'à un nouveau scrutin...

Malgré l’absence de gouvernement, la Belgique bénéficie d’une bonne croissance économique. Le pays a-t-il vraiment besoin d’un gouvernement ? La Belgique est un pays largement fédéral. Tout ne repose pas sur le gouvernement. Le projet des indépendantistes est de passer d’un Etat fédéral à un Etat confédéral afin d’avoir des attributions supplémentaires que sont la Défense, la monnaie et la politique étrangère. Ce qui est paradoxal, c’est que le gouvernement gère les affaires courantes depuis un an alors que traditionnellement ce genre de situation dure 15 jours.

Comment le royaume peut-il sortir de la crise ? On ne voit pas très bien de sortie possible dans la mesure où le jeu politique est dissymétrique. La grande majorité des partis flamands sont ralliés à l’idée d’une confédération et reste favorable à l’idée d’autonomie. Ce n’est pas le cas de la partie francophone, sans compter que la question de Bruxelles n’est toujours pas résolue. Les Flamands disent "c’est à nous", ce à quoi les francophones répondent qu’elle est majoritairement francophone. Quelle est la solution ? Les Flamands ne sont pas prêts à lâcher Bruxelles. Bien sûr, il serait possible d’envisager qu’elle reste une capitale européenne, sous la houlette de la Commission européenne. C’est sans doute la chance qui peut permettre à la Belgique de rester un pays.