Un brouillard à couper au couteau, des habitants qui ne sortent plus sans masque et une visibilité réduite à néant. La Chine est confrontée depuis plusieurs mois à des pics de pollution atmosphérique dramatiques qui suscitent l’indignation et la colère dans la population. Le sujet devrait être au menu de la session du Parlement chinois qui s’ouvre mardi à Pékin et qui doit aussi avaliser la nouvelle direction communiste. Dans un pays d’1,3 milliards d’habitants, où l’industrie se développe de façon exponentielle, le contrôle de la pollution devient un défi majeur.
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40 fois les seuils de l’OMS. La comparaison fait froid dans le dos : passer une journée à Pékin pendant un pic de pollution équivaut à fumer un paquet de cigarettes, selon le journal japonais Asahi Shimbun. En cause, les PM2,5, des particules de moins de 2,5 micromètres de diamètre très nocives pour la santé, issues des centrales à charbon et de la circulation de millions de véhicules. En janvier, l’épais nuage de pollution qui a recouvert le nord et l’est de la Chine a ainsi causé un afflux de patients dans les hôpitaux.
Le "smog" à Pékin :
A cette occasion, des seuils de plus de 700 microgrammes de particules par m3 ont été enregistrés et la norme recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a été dépassée jusqu’à 40 fois. A titre d’exemple, le seuil de 300 µg/m3 est très rarement dépassé aux États-Unis, le plus souvent lors de feux de forêt, note Slate. Et les grandes métropoles ne sont pas les seules concernées : ailleurs en Chine, la pollution des nappes phréatiques ou la gestion des déchets posent aussi un problème croissant.
L’"airpocalypse" fâche les Chinois. Confinés chez eux lors des pics, contraints pour certains de porter un masque, les citadins Chinois sont en colère contre ce qu’ils appellent l’"airpocalypse". D’après un journal local, Pékin-matin, le nombre de cas de personnes souffrant de problèmes pulmonaires a augmenté de 20% dans la capitale lors du dernier pic de pollution. Les internautes se sont emparés du sujet et des photos montrant le brouillard qui enveloppe plusieurs villes circulent sur les réseaux sociaux. @MissXQ, qui dit habiter à Hong Kong, tweete ainsi ces images d’accidents de voitures causés par la mauvaise visibilité.
Winter rain plus severe pollution caused many car accidents in Beijing: over a hundred car pile up in Beijing twitter.com/MissXQ/status/…— XQ (@MissXQ) January 31, 2013
Mais les médias officiels, d’ordinaire habitués à minimiser ces pics de pollution, prennent désormais le sujet très au sérieux. Même le très officiel China Daily, contrôlé par l’État, s’est fendu d’un éditorial réclamant une gestion "systématique, scientifique, efficace et puissante" de la crise.
Les "villages du cancer" reconnus. Pour la première fois, le gouvernement chinois a admis fin février l’existence de "villages du cancer", une expression qu’il se refusait à employer jusqu’ici. Dans ces villes et villages, on trouve des concentrations très élevées en substances toxiques dans l’eau, un air très chargé en particules fines ou encore des déchets industriels. Mais la transparence des autorités a ses limites : l’État a lancé une vaste enquête sur l’état des sols en Chine entre 2006 et 2010. Ses résultats demeurent sous le coup du secret d’État, malgré les appels répétés pour les rendre publics.
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Grillades interdites. Au cours de la nouvelle session parlementaire, les 3.000 délégués rassemblés à Pékin devraient "réviser et améliorer" les lois sur la prévention et le traitement de la pollution atmosphérique et la protection de l’environnement, assure l’agence officielle Xinhua. Les autorités ont déjà pris des mesures pour tenter de juguler la pollution massive, notamment dans la capitale. Certaines voitures trop anciennes vont ainsi être retirées de la circulation et dans plus de 40.000 logements, les systèmes de chauffage au charbon seront modernisés. Mais une autre mesure est loin de faire l’unanimité. Le gouvernement entend en effet interdire les barbecues dans les zones urbaines, de quoi faire bondir les amateurs de grillades souvent proposées dans les rues des villes chinoises.