Cette fois, c’est lui qui parle. Nicolas Sarkozy, qui avait jusqu’ici laissé Alain Juppé s’exprimer sur la situation en Syrie, a haussé le ton mardi à Rome, à l’occasion du sommet franco-italien.
L’entrée en action des chars et les tirs répétés de l’armée sur la foule ces derniers jours ont probablement décidé le président de la République à taper du poing sur la table. Il a ainsi jugé qu’"on n’envoie pas des chars, l'armée, face à des manifestants" et que cette "brutalité est inacceptable". Le quai d’Orsay a embrayé mercredi en convoquant ambassadrice de Syrie en France, Lamia Shakkour, pour se voir notamment signifier la condamnation par Paris "de l'escalade de la répression" dans son pays.
Mardi, le quai d’Orsay soulignait ce changement de ton en expliquant que Paris exigeait désormais des "mesures fortes" pour faire cesser "l'usage de la force contre la population".
Pas d’exception syrienne
Ce qui signifie que la France souhaite que l’ONU prenne des sanctions. L’"appel fort pour arrêter la répression violente et mettre en œuvre les réformes annoncées" qu’ont lancé Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi mardi va peut-être dans ce sens. Même si le chef de l’Etat est resté prudent soulignant qu’il "n’est pas facile" d’obtenir un mandat du Conseil de sécurité. Et qu’il était en outre exclu d’intervenir en Syrie autrement que sous la bannière de l’ONU, qui semble très divisée.
Nicolas Sarkozy a martelé que la France était "aux côtés des peuples arabes dans leur aspiration à la démocratie et à la liberté", et que c’était là "un changement historique, un tournant majeur dans la politique étrangère de notre pays et un changement dont" la France "assume toutes les conséquences". Mais il a tenu à mettre en garde contre la tentation des Occidentaux de "dupliquer" les situations en intervenant dans plusieurs pays. "Ça ne veut pas dire pour autant que nous allons intervenir partout dans le monde", a souligné le chef de l’Etat.
Mardi, des dirigeants socialistes avaient appelé à ce changement de ton. Sur Europe 1, l'ancien Premier ministre socialiste Laurent Fabius a estimé qu’il fallait, "qu'il y ait une intervention de l'ONU, rapide", alors que Jean-Christophe Cambadélis a lui estimé qu’on ne "peut pas intervenir militairement partout, mais il faut durcir le ton".
La Syrie, un rôle régional important
C’est ce qu’a fait le chef de l’Etat, tout en restant prudent. Car une intervention militaire en Syrie est un sujet délicat pour la France. D’abord, parce qu’en 2008, Nicolas Sarkozy avait accueilli en grande pompe le dirigeant syrien Bachar al-Assad à Paris, à l’occasion du lancement de l’Union pour la Méditerranée, un projet désormais en stand-by. C’était là un vrai "repêchage" pour un président syrien mis au ban de la communauté internationale qui soupçonnait la Syrie d’être impliquée dans l’assassinat du premier ministre libanais Rafik Hariri en 2005. Jacques Chirac, grand ami de la famille Hariri, avait notamment coupé toutes relations avec Damas.
Ensuite, parce que la Syrie "joue un rôle important sur la scène régionale", ainsi que le soulignait récemment l’Elysée. Elle est frontalière d’un Irak encore très instable et d’un Iran menacé à l’intérieur mais qui est un de ses soutiens principaux. La Syrie et l’Iran sont aussi les principaux alliés du Hezbollah libanais, qui ne cache pas ses envies de prendre sa revanche sur Israël après la guerre de l’été 2006. Israël avec lequel la Syrie est elle-même toujours officiellement en guerre et se dispute notamment le Golan. Alors que la Syrie entretient des relations toujours ambigües avec le Liban malgré le retrait des troupes syriennes en 2005. Une intervention militaire au milieu de cet entremêlement géopolitique apparaît donc forcément risquée.