La France veut voler au secours des chrétiens d’Orient. Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, l’a clairement affirmé dans une interview à La Croix, vendredi. "Les chrétiens d’Orient sont en train d’être éradiqués. Compte tenu de l’extrême gravité de la situation, nous voulons un geste fort", a lancé le ministre. La France a ainsi décidé de porter le sujet devant l'ONU, vendredi, où le conseil de sécurité se penchera pour la première fois de son histoire sur le sort des chrétiens d’Orient. Mais l’initiative française peut-elle sauver cette minorité, menacée directement par l’Etat islamique et l’extrémisme au Moyen-Orient ?
>> Quelle est l’ampleur des discriminations ?
En février dernier, l’Etat islamique avait annoncé avoir décapité 21 Egyptiens chrétiens, kidnappés quelques jours plus tôt en Syrie. Deux semaines plus tard, le groupe islamiste avait libéré 220 chrétiens assyriens, dans le nord-est de la Syrie, après avoir obtenu le versement d’une rançon. Le danger qui pèse sur les chrétiens d’Orient est donc quotidien.
Ces derniers ont donc fui une grande partie du Moyen-Orient depuis une dizaine d’années. Près de 90% d’entre eux ont quitté l’Irak entre 2003 et 2014, et plus de 300.000 sont partis de Syrie entre 2011 et 2014, selon des chiffres dévoilés par le ministère de l’intérieur français. Principaux responsables de ce phénomène : l’extrémisme islamique, et l’avancée de l’Etat islamique dans la région. L’Irak et la Syrie sont concernés en premier lieu, mais le Pakistan est également confronté à une recrudescence très nette des violences anti-chrétiennes.
L’ouvrage Le livre noir de la condition des chrétiens dans le monde, écrit par plus de soixante-dix contributeurs français et étrangers, historiens, experts, journalistes, religieux, représentants d’ONG et sorti en octobre dernier, a dressé un portrait encore plus accablant des discriminations subies par les chrétiens dans le monde. Ainsi, 150 à 200 millions de chrétiens seraient actuellement discriminés dans environ 140 pays. La religion chrétienne serait, de fait, la religion la plus persécutée au monde.
>> Pourquoi la France intervient-elle ?
"La protection des chrétiens d’Orient est constitutive de l’histoire de France, au-delà des clivages politiques. J’entends que nous soyons fidèles à cette tradition. En prenant l’initiative de réunir le Conseil de sécurité et d’appeler la communauté internationale à agir, la France défend une cause juste", a estimé Laurent Fabius.
La France, à travers son appel à l’ONU, espère provoquer une prise de conscience et mettre le sort des chrétiens d’Orient au centre des préoccupations de la communauté internationale. Le ministre des Affaires étrangères a ainsi affirmé son souhait de venir en aide aux personnes issues de cette minorité qui espèrent rester chez eux, en Irak et en Syrie par exemple, et qui ne veulent pas fuir.
Mais la France a aussi décidé d’accueillir, depuis l’été dernier, des chrétiens d’Orient sur son sol. Depuis fin juillet, 1.500 visas d’asile ont ainsi été délivrés à des chrétiens d’Orient, selon les chiffres du ministère de l'intérieur. Près de mille d'entre eux sont d'ores et déjà arrivés sur le sol français.
>> Un impact suffisant ?
Cette réunion du Conseil de sécurité a plus une portée symbolique qu’une réelle efficacité sur le terrain. Il est ainsi peu probable que l’ONU décide d’intervenir militairement pour protéger directement les chrétiens d’Orient. La France se refuse toujours à s’engager en Syrie, où les persécutions contre cette minorité sont récurrentes. Surtout, les bombardements de la coalition internationale n’ont pas fondamentalement changé le sort des chrétiens d’Orient, qui continuent d’être discriminés.
En février, Jean d’Ormesson avait exprimé son indignation au micro d’Europe 1, après l’enlèvement d’une centaine de chrétiens en Syrie. "Le massacre des coptes en Libye a été abominable avec une mise en scène qui ne manque pas d'un certain talent atroce. Vous avez des événements en Syrie, en Libye, en Afrique noire aussi, il y a une volonté de faire disparaître le christianisme dans cette région du monde", s’était scandalisé l’écrivain et académicien de 89 ans. Jean d’Ormesson avait alors plaidé pour une force européenne ou américano-européenne pour venir en aide aux chrétiens d’Orient. Il n’est pas certain que son appel soit entendu.
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