La Grèce s’approchait doucement de la fin de son plan d’aide européen, mais les annonces de mardi pourraient bien remettre toutes les réformes en cause. L’incertitude politique pointe à nouveau le bout de son nez depuis que le gouvernement grec a déclaré vouloir précipiter la présidentielle. L’extrême-gauche pourrait sortir gagnante dans un coup de poker politique qu’Europe 1 vous décrypte.
Pourquoi le Premier ministre a-t-il avancé la présidentielle ?
Le scrutin devait à l’origine se tenir dans deux mois, mais Antonis Samaras, qui dirige une coalition entre conservateurs et socialistes, a décidé qu’il se tiendrait dans une semaine seulement. Par cette décision, le Premier ministre a voulu couper court à l’incertitude qui entourait le vote.
En Grèce, le poste de président est principalement honorifique. Il ne s’agit pas d’un scrutin direct ; ce sont les députés qui doivent, avec une majorité qualifiée, approuver un candidat présenté par le gouvernement, Stavros Dimas en l’espèce.
Le Premier ministre conservateur Antonis Samaras a dû estimer qu’il avait plus de chances de faire élire son candidat s’il hâtait le vote.
Pourquoi parle-t-on alors d’incertitude politique ?
Il n’est pas du tout certain que Stavros Dimas, pourtant une personnalité de consensus, arrive à obtenir l’approbation des députés. Si les trois tours prévus ne suffisent pas, il faudra dissoudre l’Assemblée et convoquer des élections législatives anticipées avant la fin de l’hiver. Et c’est là que les choses se corsent.
Le gouvernement de coalition d’Antonis Samaras a suivi à la lettre les demandes de réforme imposées par les créanciers de la Grèce, la Banque centrale européenne, l’Union européenne et le Fonds monétaire international. Une partie de la population ne supporte plus de voir cette alliance politique au pouvoir.
Le problème, pour les financeurs du pays, c'est que le parti d’extrême-gauche Syriza pourrait lui ravir le pouvoir, au vu des derniers sondages. S'il devenait Premier ministre, son leader Alexis Tsipras pourrait revenir sur ces réformes adoptées en échange des prêts de 240 milliards d’euros. Le parti avait déjà obtenu un score important lors des élections européennes, capitalisant 26,51% des voix.
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Quelle a été la réaction des marchés ?
Elle a été sans appel. La bourse d’Athènes a immédiatement dévissé, à l’annonce d’Antonis Samaras. A la fin de la journée de mardi, elle avait cédé 12,78%, une chute inédite depuis 27 ans. En effet, les analystes de la banque Citi jugent "très improbable que le gouvernement actuel parvienne à réunir" un soutien suffisant pour faire élire son candidat.
Syriza a en effet toujours développé un discours violent à l’encontre des demandes de réformes de la troïka. Mais ces dernières semaines, le parti politique a adouci son image, avec notamment une visite à des banquiers de la City de Londres. Le geste n’a, semble-t-il, pas suffi à rassurer ceux qui craignent un détricotage des réformes. "Le risque d’un retour de bâton politique et d’un renversement des réformes est très réel", ont estimé dans une note les analystes de la banque Berenberg.
La convocation surprise de la présidentielle arrive pile au moment où le pays a négocié avec le reste de la zone euro une extension de deux mois de son plan d’aide, qui devait à l’origine se terminer fin décembre.
Paradoxalement, Antonis Samaras pourrait profiter de la réaction violente des marchés. Le Premier ministre pourrait ainsi agiter le spectre de la déstabilisation pour décrédibiliser Syriza.
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