Il a beau s'agir de l'armée américaine, ne cherchez pas les chars. Et encore moins de la musique techno. Le Pentagone, quartier général du département de la Défense des États-Unis, a célébré mardi la gay pride ("fierté homosexuelle"). Une première depuis l'abolition du tabou gay dans ses rangs, permettant depuis septembre aux militaires homosexuels de ne plus avoir à cacher leur orientation sexuelle pour servir leur pays.
Une réflexion sur l'après "Don't ask, don't tell"
Point toutefois de parade aux couleurs de l'arc-en-ciel dans les couloirs du Pentagone. C'est à une table ronde que les employés civils et militaires du ministère de la Défense étaient conviés. L'occasion, avant tout, de faire le point, presqu'un an après l'abrogation la loi dite "Don't ask, don't tell". Cette loi de 1993, qui a longtemps obligé les militaires gays et lesbiennes à dissimuler leur homosexualité sous peine de renvoi, aurait conduit en 18 ans à exclure quelque 14.000 soldats, selon des sources associatives. Après des années d'activisme, de procès pour discrimination et une promesse de campagne de Barack Obama, la loi a été abrogée le 20 septembre 2011.
C'est donc tout naturellement que les conviés ont eu droit mardi à une vidéo préenregistrée du président américain en forme d'hommage aux militants de la cause homosexuelle. De la même façon, Leon Panetta, secrétaire d'Etat à la Défense, a tenu à remercier des hommes et des femmes qui "peuvent être fiers de servir leur pays et d'être ce qu'ils sont, avec leur uniformes".
Ecoutez les allocutions Barack Obama et Leon Panetta :
Présent mardi, Jeh Johnson, juriste en chef du Pentagone n'a d'ailleurs pas pu cacher son émotion. "Pour les militaires gays ou lesbiennes, nous avons enlevé un fardeau réel et personnel de leurs épaules. Ils n'ont plus à vivre dans le mensonge au sein de l'armée", s'est félicité Jeh Johnson, qui a participé à l'abrogation de la loi de 1993. Si ce dernier admet que depuis l'abolition du tabou gay, "il y a eu quelques "incidents isolés", "presque aucun problème ou effet négatif associé à l'abolition sur la cohésion des unités, y compris les unités combattantes", souligne-t-il.
"Je suis gay, mais avant tout je suis un Marine"
Plusieurs militaires américains gays sont venus témoigner à la tribune, comme le capitaine Matthew Phelps, rapporte le Washington Times. "Il se trouve que je suis gay, mais avant tout je suis un Marine", a-t-il prévenu d'emblée, avant d'évoquer ce passé encore récent qui lui interdisait certaines confidences. Le capitaine Phelps a aussi raconté ses années de service en Irak, lorsque ses frères d'arme hétérosexuels se réunissaient le samedi soir pour fumer des cigares, et parler de leur "petite famille" restée aux Etats-Unis. Dans ces moments-là, le capitaine Matthew Phelps n'avait d'autres choix que de se mettre en retrait au fond de la pièce, en silence.
Aujourd'hui, cet officier américain est heureux que la page soit tournée. Il a d'ailleurs pu, pour la première fois depuis son engagement dans l'armée il y a dix ans, emmener son petit ami à un bal des Marines à San Diego, en novembre dernier.
Malgré la satisfaction ambiante, un autre officier homosexuel présent a, lui, quelques regrets. Interrogé par le Los Angeles Times, il est en colère qu'aucun des plus hauts-gradés des trois branches de l'armée (Navy, Air Force et les Marines) n'aient pris la peine d'assister à cette célébration. Ce militaire fait également remarquer que la majorité des personnes présentes dans le public étaient des civils, et non le personnel armé. Signe que, si dans l'armée américaine, une majorité était favorable à l'abrogation du tabou gay, la cause homosexuelle a encore de beaux jours devant elle.