Le scandale. Le roi du Maroc Mohamed VI tente de contenir la colère qui a éclaté ce week-end après sa décision de gracier un Espagnol condamné pour pédophilie. Alors que le "Danielgate", comme le surnomme les sites d'information indépendants marocains, prend de l'ampleur, le souverain a annoncé samedi l'ouverture d'une enquête pour déterminer les responsabilités et les erreurs qui ont conduit à cette regrettable libération et pour imposer les sanctions nécessaires", indique un communiqué du palais royal.
>> D'où est parti le "Danielgate" ?
Un pédophile grâcié. Âgé de 60 ans, Daniel Galvan Fina, un retraité espagnol d'origine irakienne, avait été condamné une peine de 30 ans d'emprisonnement pour avoir violé onze enfants âgés de 4 à 15 ans. Mais il n'aura purgé que dix-huit mois de prison : le roi Mohamed VI l'a gracié, comme 47 autres détenus compatriotes, lors de la Fête du Trône, le 30 juillet, une fête nationale qui célèbre l'intronisation du souverain. L'ancien détenu aurait déjà regagné l'Espagne. Maigre consolation pour les familles des victimes et les associations qui s'étaient constituées partie civile, l'Espagnol n'est plus autorisé à revenir sur le territoire marocain.
Des manifestants dispersés. La grâce royale a aussitôt déclenché un tollé : vendredi soir, des centaines de personnes ont manifesté dans les rues de Rabat, la capitale, près du Parlement. L'intervention musclée de la police anti-émeute marocaine a fait plusieurs dizaines de blessés. D'autres rassemblements ont eu lieu vendredi à Tanger et Tétouan, dans le nord du pays et samedi à Agadir, dans le sud. Et les manifestants ne comptent pas en rester là : des appels ont également été lancés via les réseaux sociaux pour de nouveaux sit-in mardi et mercredi, à Casablanca et Rabat. Une page Facebook créée par des contestataires réunissait ainsi plus de 25.000 personnes dimanche midi.
Pourquoi une telle grâce ? Face aux contestations, le ministère de la Justice et des libertés s'est contenté vendredi d'un communiqué pour expliquer que la grâce de Daniel Galvan Fina "entre dans le cadre des relations stratégiques qui lient les deux pays amis", rapporte le site marocain indépendant Lakome. Le ministère précise que la grâce a été décidée "lors de la récente visite du souverain espagnol dans notre pays dans un échange de bons procédés telle que le veut la coutume dans pareilles circonstances".
Un ex-espion irakien ? Pendant ce temps, la presse a émis une autre hypothèse : d'après le site Lakome, Daniel Galvan Fina aurait confié à son avocat qu'il était un ancien agent des services de renseignement irakiens. Après avoir participé au renversement de Saddam Hussein, il aurait été récompensé par les pays de la coalition avec une nouvelle identité et une nouvelle nationalité, en l'occurrence espagnole. Le quotidien espagnol El Pais émet la même hypothèse, précisant n'avoir retrouvé aucune trace de Daniel Galvan Fina dans l'université espagnole où il affirme avoir enseigné. "L'attitude du pédophile telle qu'elle ressort du dossier d'instruction est justement celle d'un homme qui commettait ses crimes sans craintes des conséquences, comme s'il bénéficiait d'une protection particulière", commente Lakome.
Pas d'excuse du palais royal. Samedi soir, le palais royal est, à son tour, sorti de son silence pour annoncer le lancement d'une enquête. Le roi n'a été informé à aucun moment de la nature des crimes commis par cette personne", affirme-t-il dans un communiqué. Il assure que Mohamed VI n'aurait pas gracié ce détenu s'il avait eu connaissance de "l'atrocité des crimes monstrueux dont il a été reconnu coupable". Le site Lakome retient, lui, que le roi "ne présente pas d'excuses aux familles des victimes de Daniel Galvan ni à l'ensemble de la population marocaine" et qu'"il ne revient pas non plus sur la violente répression du sit-in organisé vendredi soir à Rabat".