L'INFO. L'armée thaïlandaise a décrété mardi la loi martiale et déployé des soldats dans Bangkok, après des mois de crise politique et des manifestations anti-gouvernementales ayant fait 28 morts. "Déclarer la loi martiale n'est pas un coup d'Etat", mais vise "à restaurer la paix et l'ordre public", a assuré l'armée dans une annonce faite au petit matin à la télévision.
Les militaires en poste dans les rues de Bangkok. Des soldats et véhicules militaires ont été déployés dans le centre de Bangkok, notamment dans le secteur des hôtels et des chaînes de télévision. Ils ont également placé des dizaines d'hommes, des véhicules et des points de contrôle à proximité d'une manifestation des Chemises rouges pro-gouvernementales dans une banlieue de Bangkok. Maintenant que la sécurité est assurée par l'armée, certains policiers de la capitale rentrent chez eux.
L'armée a toutefois ordonné aux manifestants des deux camps de rester sur leurs sites de rassemblement respectifs. "Le public ne doit pas paniquer et continuer à vivre sa vie normalement", a-t-elle également conseillé dans son adresse télévisée. Sur le campement des Chemises jaunes, les opposants au pouvoir, l'atmosphère semble être assez détendue.
12:05pm Atmosphere at anti government rally site - RT @Rattiya_bluesky: บรรยากาศเวทีกปปส.ที่ UN pic.twitter.com/6KhL4jrLIQ#Bangkok#Thailand— Richard Barrow (@RichardBarrow) 20 Mai 2014
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Le calme avant la tempête. Pour l'instant, la vie semble continuer son cours dans une bonne partie de la ville. Les inquiétudes étaient néanmoins vives, dans une capitale gardant en mémoire les plus de 90 morts de 2010. Sur ordre du gouvernement de l'époque, l'armée avait donné l'assaut contre les Chemises rouges, qui soutiennent le pouvoir actuel.
"Quelle situation chaotique", a réagi Chitra Hiranrat, Bangkokienne de 49 ans sur le chemin du travail. "Je ne sais pas ce qui nous attend. Est-ce que la loi martiale va aider ou pas?", s'est-elle alarmée, alors que les transports en commun étaient aussi bondés que d'habitude et la présence militaire concentrée à certains lieux clefs.
Les médias ficelés. Quelques heures à peine après l'instauration de la loi martiale, la censure des médias a été décrétée, dans l'intérêt de la "sécurité nationale", selon une déclaration lue sur toutes les chaînes de télévision et de radio. L'armée "interdit à tous les médias de rapporter ou de distribuer toute information ou toute photographie nuisibles à la sécurité nationale", précise le général Prayut Chan-O-Cha.
Dix chaînes ont aussi été interdites d'émettre, dont les très partisanes BlueSky, qui soutient l'opposition, et du côté des pro-gouvernement AsiaUpdate et UDD, au motif qu'elles peuvent de "déformer l'information" et "d'aggraver le conflit".
La communauté internationale inquiète. Washington et Tokyo ont rapidement réagi à l'instauration de la loi martiale. Elle doit être "temporaire", a indiqué le département d'Etat américain. La porte-parole du gouvernement japonais a fait part "des grandes inquiétudes face à la situation en Thaïlande".
La fragilité du pouvoir. Pour décréter la loi martiale, l'armée n'a en rien averti ou consulté le gouvernement intérimaire, qui reste pour autant en fonction, a assuré Paradorn Pattanatabut, conseiller en charge de la sécurité auprès du gouvernement. "Déclarer la loi martiale relève de l'autorité militaire", a-t-il relativisé. "Le gouvernement intérimaire existe toujours", a-t-il affirmé. Un conseil des ministres exceptionnel était en cours mardi matin.
Cette déstabilisation intervient deux semaines après la destitution de la Première ministre Yingluck Shinawatra, condamnée pour abus de pouvoir après deux ans à la tête du pays. Son frère, également ancien Premier ministre en exil, dit espérer que la loi martiale "ne détruira pas la démocratie". Les troubles politiques émaillent l'histoire de la Thaïlande, qui en est à sa 19e constitution depuis 1932. Cette crise politique-ci dure depuis plusieurs mois maintenant et la chute du gouvernement élu faisait craindre un dérapage vers de nouvelles violences.
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