Y aura-t-il un cessez-le-feu en Syrie ? L'incertitude demeure, à quelques heures de la fin de l'ultimatum posé par le conseil de sécurité de l'ONU. A 23 heures, les tirs loyalistes doivent cesser, imités dans un délai de 48 heures maximum par ceux de la rébellion. Le regain de tension constaté ces derniers jours s'essoufflera-t-il avant minuit ?
Pas sûr, puisque le régime de Bachar el-Assad multiplie les conditions et que Kofi Annan est sorti de sa réserve mardi après-midi en affirmant que l'armée syrienne se retire de certains secteurs... pour se déployer dans d'autres. L'émissaire de l'ONU préfère néanmoins attendre jeudi pour parler d'échec. Américains, Français ou encore Allemands sont moins patients et ont demandé à ce que l'ONU dénonce ces faits. Europe1.fr fait le point sur la situation.
Quelle est la situation en Syrie ?
A moins de sept heures de la fin de l'ultimatum posé par l'ONU, le pays est toujours en proie aux combats entre les forces loyalistes et l'armée syrienne libre. En début de matinée, mardi, des chars syriens ont ouvert le feu dans le centre-ville de Hama et dans les quartiers de Homs. "J'ai été réveillé par des explosions à 8h30 et il y a des tirs toutes les dix minutes environ", a témoigné Walid Fares, un militant de Homs.
Le week-end avait déjà été particulièrement meurtrier, avec des combats entre pro et anti Assad, faisant des centaines de victimes entre samedi et lundi. Au moins 17 personnes sont mortes mardi, rapporte l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).
Pourquoi la tension monte aux frontières ?
La Turquie et le Liban, deux pays voisins de la Syrie ont clairement protesté mardi contre des tirs de l'armée loyaliste intervenant sur leur territoire. "Il s'est produit une très claire violation de la frontière, c'est avéré", a déclaré Recep Tayyip qui prendra "les mesures nécessaires". Le Premier ministre turc réagissait aux tirs provenant de Syrie qui ont fait deux morts et quatre blessés dans un camp de réfugiés syriens, en Turquie.
Plus au sud, un caméraman libanais a été tué lundi à la frontière libano-syrienne, "par des tirs de l'armée syrienne". Le Premier ministre libanais est lui aussi monté au front. Najib Mikati a condamné "les tirs du côté syrien sur l'équipe de journalistes libanais. Nous allons informer la partie syrienne que nous condamnons cet acte inacceptable et réclamons une enquête". A noter que le gouvernement libanais est dominé par le Hezbollah, allié du régime syrien.
Que dit la communauté internationale ?
Dimanche, Kofi Annan a déploré le regain de tension qui menace toutes les négociations en cours. "Je suis choqué par les informations récentes au sujet d'une augmentation des violences et des atrocités dans plusieurs villes et villages de Syrie, qui provoquent un nombre inquiétant de victimes, de réfugiés et de déplacés, en violation des assurances qui m'ont été données", a ajouté l'émissaire spécial de l'ONU.
D'abord peu disert sur la situation syrienne, la Chine commence à hausser le ton, en dépit des accords commerciaux noués avec le régime syrien. Liu Weimin, porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, a réitéré son appel à toutes les parties pour respecter "immédiatement" le cessez-le-feu.
Toujours en retrait, la Russie s'en tient de son côté à la version officielle d'un retrait en cours des chars du régime. "On nous a informé du début de l'application de ce plan par la direction syrienne", a assuré Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe.
Le régime applique-t-il le plan de cessez-le-feu ?
En visite à Moscou, le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem a affirmé mardi matin que le "retrait des unités militaires de certains provinces" avait déjà été effectué. Ce qu'a nié la France, dénonçant "un mensonge flagrant et inacceptable". Ces déclarations "témoignent d'un sentiment d'impunité contre lequel la communauté internationale doit absolument réagir", a déclaré le ministère français des Affaires étrangères.
Le Syrien Walid Mouallem a redit que l'accord syrien pour un cessez-le-feu interviendra seulement lorsque les 200 à 250 observateurs de l'ONU attendus seront arrivés sur place. "La fin de la violence doit être simultanée" avec leur arrivée, a-t-il estimé. La Syrie veut cependant décider de qui composera cette mission d'observation internationale.
Cette nouvelle condition hypothèque un peu plus l'espoir d'un cessez-le-feu, d'autant que si l'armée syrienne se retire de certains secteurs, c'est pour mieux se déployer dans d'autres, a affirmé mardi Kofi Annan. L'émissaire de l'ONU veut néanmoins attendre jeudi avant de dire si son plan a échoué ou non. Les Etats-Unis sont moins patients. "Nous espérons que le Conseil de sécurité de l'ONU évaluera la situation en Syrie si jamais Kofi Annan conclut que le régime Assad n'a pas respecté ses propres engagements", a prévenu mardi le porte-parole de la présidence américaine.
Que répond l'opposition ?
Du côté de l'opposition, on répète que le "régime syrien doit immédiatement observer un cessez-le-feu". La rébellion "ne saurait accepter que le régime se serve du plan (Annan) comme un permis pour tuer", a martelé Bourhan Ghalioun, le président du Conseil national Syrien (CNS), principal organe de l'opposition.
L'Armée syrienne libre (ASL) a, de son côté, exposé sa ligne de conduite. "Pendant 48 heures, nous n'allons pas attaquer l'armée, nous nous défendrons seulement. Si les bombardements ne cessent pas et que les chars ne sont pas retirés, nous passerons à l'attaque et intensifierons nos opérations militaires", a prévenu le colonel Kassem Saadeddine.
Par ailleurs, Rami Abdel Rahmane, président de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme considère que le régime "essaie de gagner du temps". La raison : il "pensait que d'ici le 10 avril, il reprendrait le contrôle des villes rebelles". Il s'inquiète en cas de refus de l'ultimatum. "Si le plan Annan ne marche pas, rien ne va marcher et la Syrie va plonger dans une longue guerre civile", ajoute-t-il.