Rester prudent malgré les avancées. Visage de la France autour de la table des négociations sur le nucléaire iranien à Lausanne, Laurent Fabius refuse de s'enthousiasmer après qu'un accord de principe a été trouvé jeudi soir entre l'Iran et les six Etats (Chine, Russie, Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Italie, Allemagne) qui participaient aux discussions.
Et pour cause, si l'idée d'une levée des sanctions économiques infligées à Téhéran et l'arrêt du programme nucléaire militaire iranien ont été actés, le texte signé ne définit pas précisément les modalités de mise en œuvre de ces deux chantiers d'envergure. C'est pourquoi Laurent Fabius s'était montré parmi les négociateurs les plus stricts envers Téhéran lors des pourparlers.
>> Une position qui avait été critiquée par une partie de la presse internationale. Au micro d'Europe 1, le ministre des Affaires étrangères s'en justifie.
Les termes de l'accord. Laurent Fabius résume les enjeux de l'accord qui vient d'être conclu en trois points. "L'énergie nucléaire civile, c'est 100% oui, la bombe atomique, c'est non. Le problème c'est que les mêmes machines permettent de créer les deux. C'est pourquoi le cœur des négociations porte sur les centrifugeuses. Et c'est pourquoi, sur les 9.200 centrifugeuses en marche en Iran, Téhéran a accepté de passer à 5.060. Le deuxième point porte sur les ressources en uranium et sur son taux d'enrichissement. Le ministre affirme que les négociations ont conclu que "l'Iran ne pourra plus avoir que 300 kilos d'uranium contre 8 tonnes actuellement, enrichi à 3.27% contre 20% actuellement".
Dernier point, le plus flou pour l'instant, la durée du contrôle exercé par l'AIEA (agence internationale de l'énergie atomique) : "l'accord porte sur 10 ans au minimum, mais sur certains autres points elle porte sur 12, 13, 15 et même 25 ans. Tout cela reste à préciser". Enfin, sur la levée des sanctions économiques, Laurent Fabius estime que "150 milliards de dollars sont en jeu pour l'Iran". Mais ce point-là "n'est pas le plus facile", conclut-il.
Le rôle de la France dans les négociations. "La France, elle est ferme", annonce d'emblée Laurent Fabius, qui assume sans ambages le rôle de garde-fou du Quai d'Orsay dans les négociations, quitte parfois à ralentir le processus, comme il l'explique au micro d'Europe 1 : "Les Américains et les Iraniens nous avaient proposé un texte, mais nous avions dit 'non' parce que le Président et moi avions estimé qu'il n'était pas assez solide. L'Iranien avait menacé de rentrer chez lui et de démissionner. Mais il est finalement resté à la table. Depuis, la France est regardée de manière particulière parce qu'on sait que nous voulons l'accord mais sur une base ferme."
C'est pourquoi la prudence est de mise pour Laurent Fabius, qui résume la situation : "Rien n'est acté tant que tout n'a pas été acté." Sur la levée des sanctions économiques à l'encontre de l'Iran, Laurent Fabius estime qu'il faut "lever les sanctions au fur et à mesure que l'Iran respecte ses engagements". Mais là-dessus, "il n'y a pas encore un accord", tempère-t-il.
Pourquoi il faut "un accord solide et vérifiable" selon le Quai d'Orsay. "Notre position a toujours été de dire il faut un accord, mais il ne peut être conclu que s'il est solide et vérifiable", martèle sans relâche Laurent Fabius. S'il reconnaît que cet accord de principe "est une étape importante, très importante même", le ministre des Affaires étrangères rappelle que "le bout du chemin, c'est la fin juin", en faisant allusion à la signature d'un texte définitif aux contours plus précis.
Cette fermeté française se justifie pour Laurent Fabius qui assure que la France "n'a rien contre l'Iran" : "nous voulons juste que l'accord soit perçu comme solide pour éviter que les autres pays du Golfe comme l'Arabie Saoudite se lancent dans la prolifération nucléaire".
Retrouvez l'interview de Laurent Fabius :
Fabius : "Rien n'est acté tant que tout n'est...par Europe1fr>> LIRE AUSSI - "Tout le monde a gagné" avec l'accord sur le nucléaire iranien
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