• Le défi à relever
Mettre fin à six ans de violences en six semaines. Voilà le défi ambitieux que va tenter de relever le président nigérian Goodluck Jonathan et son gouvernement. Ces derniers ont annoncé lundi que "tous les camps connus de Boko Haram seront balayés". Le groupe terroriste sévit dans le Nord-est du pays, aux confins du Nigeria, mais aussi au Cameroun, au Tchad et au Niger.
Plus qu'un défi, une gageure pour les forces nigérianes et leurs alliées du Tchad, du Niger, du Cameroun et du Bénin, toutes mobilisées dans une vaste coalition africaine. Dès samedi, les cinq Etats s'étaient mis d'accord pour lutter de concert contre l'organisation Boko Haram, responsable de massacres de grande ampleur dans la région. C'est pourquoi 8.700 soldats sont mobilisés au total, un contingent qui témoigne de l'importance des combats qui s'annoncent, alors que Boko Haram a tué 2.000 personnes au mois de janvier.
>> LIRE AUSSI - La folie meurtrière de Boko Haram
• Pourquoi le Nigeria s'est fixé un timing aussi serré
En vérité, désarmer une organisation aussi puissante et structurée que Boko Haram en six semaines a tout d'un vœu pieux. Un vœu qui n'a rien d'innocent, puisque la popularité du président Goodluck Jonathan a été mise à mal par les exactions commises par Boko Haram. Les populations du Nord-est du Nigéria, majoritairement musulmanes, se sentent délaissées par le chef de l'Etat, chrétien. A tel point qu'il aborde l'élection présidentielle, initialement prévue le 14 février prochain, en position défavorable face à son principal rival, le musulman Muhhamadu Buhari. C'est pourquoi le report du scrutin au 28 mars prochain décidé par la commission électorale arrive à point nommé pour Goodluck Jonathan. Si d'ici là, il arrive à vaincre Boko Haram, cela pourrait changer les choses.
• Pourquoi il sera difficile de vaincre Boko Haram en six semaines
Vaincre Boko Haram ne sera déjà pas chose facile, mais le délai de six semaines avant les élections rend la chose très compliquée : "Le pouvoir à Abuja, la capitale du Nigeria, est éloigné de la zone de combats. Et comme le président Goodluck Jonathan est obnubilé par sa réélection, il y a un vrai manque de volonté politique, commente à RFI, Marc-Antoine Pérouse de Montclos, professeur à l’Institut français de géopolitique à l’Université Paris-8. "Le Nigeria est un pays peuplé, un État fédéral qui connaît des problèmes dans la chaîne de commandement. Goodluck Jonathan maîtrise mal l’état-major, qui, lui-même, ne maîtrise pas très bien la base militaire", conclut le chercheur. Sans compter que, même si l'attaque a été repoussée à Diffa, Boko Haram poursuit son offensive vers le Niger. Tout entier tourné vers sa campagne électorale, Goodluck Jonathan se réjouit pour l'instant du report des élections. Mais sans réponse militaire efficace d'ici au scrutin, la défaite pourrait être encore plus cinglante que prévue.
>> LIRE AUSSI - Le Tchad passe à l'offensive
• Pourquoi la victoire pourrait néanmoins se dessiner à l'avenir
Voilà six ans que l'organisation terroriste, dirigée par Abubakar Shakau, a lancé son djihad en plein cœur de l'Afrique. Six ans que Boko Haram profite de sa position géographique (le "califat" proclamé par ses dirigeants s'étend sur la partie Nord-Est du Nigeria, à la frontière avec le Tchad et le Cameroun). Après chaque opération au Nigeria ou au Cameroun, il suffit donc aux djihadistes de passer d'un pays à l'autre pour échapper aux représailles. De quoi nuire à la stabilité politique de la région. Le Tchad a par exemple besoin des débouchés maritimes du Cameroun pour faire du commerce, et les exemples d'interdépendance sont nombreux. Eliminer Boko Haram est donc une condition sine qua non du développement du pays.
>> LIRE AUSSI - Contre Boko Haram, le conflit se régionalise
C'est la raison pour laquelle les armées des Etats frontaliers se sont mobilisées pour lutter contre cette menace régionale. L'armée tchadienne, la plus puissante de la région, a été la première à lancer le mouvement en janvier dernier. Aujourd'hui, les armées de cinq pays sont unies pour lutter contre un ennemi commun, et 8.700 soldats, soit 1.200 de plus que le contingent initialement prévu, vont combattre Boko Haram. Le signe d'une volonté ferme de ces pays voisins de se débarrasser d'une menace sans cesse grandissante.