Le Québec a décidé de frapper fort pour faire plier les multinationales du tabac. Le gouvernement de la Belle province réclame en effet en justice plus de 60 milliards de dollars aux poids lourds de l'industrie du tabac, en compensation des coûts passés et futurs du tabagisme pour le système de santé de la province. Cette somme, équivalente à 47,9 milliards d'euros, constitue un record au Canada pour ce type de poursuite.
La requête, qui vise aussi bien les fabricants canadiens qu'étrangers, tient compte des coûts assumés par la province depuis 1970 et de ceux d'ici 2030, a fait savoir vendredi le ministre de la Justice du Québec, Jean-Marc Fournier.
Les actions se multiplient
Le Québec devient ainsi la cinquième des dix provinces au Canada à poursuivre l'industrie du tabac pour obtenir compensation des coûts du tabagisme, après la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve et l'Ontario. Cette dernière, la province la plus peuplée du Canada, avait engagé des poursuites réclamant un montant de 50 milliards de dollars en 2009.
A l’appui de sa requête, qui a été salué par les militants anti-tabac, le gouvernement du Québec s’appuie sur plus de 1.300 documents émanant des fabricants eux-mêmes ainsi que sur une évaluation rigoureuse du coût des soins de santé liés au tabac. Le ministre de la Justice du Québec a précisé que la décision de tenir compte des coûts futurs du tabagisme s'expliquait "par le fait que les fumeurs continuent d'éprouver des problèmes de santé importants tout au long de leur vie".
De nombreux reproches aux fabricants
La plainte vise les fabricants de produits du tabac qui "ont été membres, à un moment ou un autre, d'un des quatre grands groupes mondiaux", soit British American Tobacco, Rothmans, Philip Morris et R.J. Reynolds. "Ces fabricants ont omis d'informer les consommateurs, parmi lesquels on retrouve de nombreux enfants et adolescents, sur les caractéristiques véritables de leur produit et les ont induits en erreur sur les effets nocifs", a ajouté le ministre Jean-Marc Fournier.
Le Québec reproche aussi aux fabricants d'avoir agi pour rendre la consommation de tabac "attrayante" et amoindrir la portée des mises en garde exigées par les autorités de la santé publique. "Nous croyons que ces agissements ont été faits volontairement et de façon concertée", a regretté Jean-Marc Fournier. "Nous sommes très préoccupés des effets du tabagisme sur la population du Québec et des coûts qu'il engendre pour l'État québécois. Il est temps que les fabricants des produits du tabac assument leurs responsabilités", a-t-il poursuivi.
Les fabicants dénoncent une "hypocrisie"
De son côté, l’industrie du tabac n’a pas tardé à faire connaître son mécontentement. Le fabricant canadien Imperial Tobacco Canada Ltée a dénoncé vendredi "l'hypocrisie" du gouvernement du Québec. Ce dernier "cherche à se faire du capital politique tout en oubliant qu'il a été un partenaire principal de l'industrie du tabac pendant des décennies", a condamné le vice-président aux Affaires juridiques d'Imperial Tobacco Canada, filiale du groupe British American Tobacco.